NAUSICAA DE LA VALLEE DU VENT [8]
4sur5 Le détour de Myazaki par la bande-dessiné n'était qu'un prétexte pour ressurgir dans le domaine de l'animation, après des collaborations décevantes avec les studios, puis une période de cafouillage aux côtés de celui qui sera son associé jusqu'au Château dans le Ciel, Isao Takahata [Pompoko]. Découvert par le grand-public lors de la vague de ressorties que le triomphe de Chihiro suscita, Nausicaa, auto-adaptation, a marqué durablement l'animation japonaise. Son succès invoqua directement la création des studios Ghibli : au fil des années, celui-ci allait s'imposer comme référence maîtresse jusqu'à atteindre le rayonnement international qu'on lui connaît aujourd'hui.
Précurseur, pionner, Nausicaa, en disposant d'une profonde portée universelle [et véritablement métaphysique au sens littéraire], est l'un des tous premiers films nippons apte à être reçu au-delà du sol national. Pour le fan occidental émerveillé par Mononoke ou Le Château Ambulant, ce film d'une toute autre génération pourrait constituer, dans une certaine mesure à considérer avec précaution et la plus grande des retenues, une déception relative. Relative puisque le spectacle est particulièrement haut-de-gamme et demeure un enchantement ; ''déception'' par ce qu'on y atteint pas les sommets, la magie et l'intensité de la plus large part des Myazaki postérieurs [bien que ceux-ci soient copieusement esquissés, cela va sans dire].
Sombre et épique, le métrage propose un univers foisonnant, ambitieux et fondateur. S'il n'écarte pas toujours la faille récurrente chez nombre de dessins animés visant haut, soit une résonance quelquefois -mais rarement- un peu fabriquée inhérente au didactisme de son discours, Nausicaa est une oeuvre dense, un brouillon de luxe qui s'il peut prêter à confusion, avance déjà des thématiques [subjuguées par la suite] particulièrement matures et au traitement exigeant.
L'argument a perdu de son originalité avec le temps mais pas de sa vigueur ou de son intelligence. Myazaki situe son intrépide héroine sans culotte dans un monde post-apocalyptique ou ne subsiste plus que quelques privilégiés ayant su échapper aux conséquences de l'action néfaste de leurs ancêtres [les « sept jours de feu »]. Seule à pouvoir communiquer avec tous les êtres vivants, Nausicaa doit freiner la folie guerrière des humains ainsi que l'avancée d'une forêt toxique.
A-priori plus ''trivial'' [car plus lisible et équivoque], la Vallée des Vents est un film étonnement crû dans sa façon d'aborder la violence et de la représenter. La sauvagerie des humains, exposée sans timidité, participe d'un mouvement proche de la fable guerrière Princesse Mononoke. Mais surtout, Nausicaa impose déjà une autre démarche inaltérable chez Myazaki, par son attachement à s'opposer à tout manichéisme dans la construction de ses personnages. Moins ambigus ici, s'ils ne manquent pas d'animer isolement une étincelle, l'alchimie ne prend pas tant dans leurs faces-à-face. Là-dessus Nausicaa elle-même, dégagée des préjugés entretenus des autres et réceptive à la vie sous toutes ses formes, fait exception par son parti-pris de défendre l'inconnu, le paria [ce qui s'exprime dans son combat pour les Omu].
Nausicaa a vieilli, indéniablement, mais à l'instar de l'ensemble de l'oeuvre du génie, le film saura séduire au-delà du cercle d'initié à la japanim. A peine moins raffiné que ses successeurs, ce trip 80's, bariolé et féérique, offre son lot de visions dantesques et d'accès contemplatifs. La fièvre créatrice de Myazaki ne s'est pas faite attendre et même ses premières affirmations sauront rassasier, avec simplement moins d'ampleur que Mononoke ou Le Château dans le Ciel. Qu'importe, on succombera avec délice.
Kaze no tani no Naushika*** Animation**** Scénario*** Dialogues*** Originalité***-* Ambition*** Audace*** Esthétique**** Emotion*** Musique***
Notoriété>19.000
votes sur IMDB ; 3.800 notes sur allociné
Votes public>8.1 sur IMDB (tendance non-US et masculine) ; France : 8.0 (allociné)
Critiques presse>France : 8.5 (allociné)