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New PS - Sympathy for the Grotesque
10 avril 2010

LE CHATEAU AMBULANT [10]

chateau_ambulant_15sur5 Après les triomphes de Princesse Mononoke et du Voyage de Chihiro, ces deux rêves sur pellicule dont personne ne s'est encore remis, Miyazaki a définitivement consacrée son aura internationale. Dès lors, les nouveau-nés de ce créateur omnipotent suscitent l'effervescence avant même leur sortie. Conformément à toutes les espérances les plus sages donc les plus exigeantes, Le Château Ambulant est un nouveau sommet, auquel on peine à opposer toute résistance critique tant celle-ci apparaît hors-de-propos. S'il n'est pas malvenu de repérer quelques failles à ce somptueux édifice, quelques aspects négligés ou même inaboutis, force est d'admettre que l'expérience est trop riche pour trouver la moindre envie d'en entacher le souvenir par de vains efforts relativisants. Quand bien même on s'essaierait à l'établissement d'une liste de griefs, tangibles sans doute, légitimes peut-être, l'évidence du sentiment éprouvé devant cet inouï bloc de féérie s'en trouverait inchangé.

 

CHATEAU_af1Pour la première fois, Miyazaki se prête à l'adaptation littéraire, retranscrivant à l'écran Le Château de Hurle de Diana Wynne Jones, livre pour enfants à succès déjà transposé en fiction TV. Cependant le réalisateur de Nausicaa n'y sacrifie pas les éléments de son univers. Car il est plus qu'un simple illustrateur virtuose [façon Polanski], il se permet une toute relative fidélité à l'oeuvre ''initiale''. Entre cadre réaliste occidental et fantasmagorie pure dont la cohérence n'a d'égal que le sentiment d'effusion spontanée dégagé, Le Château Ambulant met en scène une héroine féminine aux prises avec de nouvelles sphères, une famille ''élue'' [chez Miyazaki, le nouvel entourage est toujours choisi ou accepté avec bienveillance], des personnages baroques et surtout changeants, un conflit en toile de fond... Les avatars de son nouvel univers nous sont connus mais prennent inlassablement une dimension à la fois toute autre et équilibrée : d'ailleurs c'est peut-être ici que l'oeuvre de Miyazaki apparaîtra harmonieuse plus que jamais.

 

Si certains y ont vu le plus ''lynchéen'' des films de Miyazaki pour sa narration étourdissante et de, paraît-il, nombreuses ellipses, Le Château Ambulant apparaît comme beaucoup plus ''sage'' et ''tempéré'' que ses deux prédécesseurs. Moins tonitruant, plus lent, calme et doux, cet opus révèle un Miyazaki assurément moins ''militant'' aussi. Le fraîchement jeune vieux Miyazaki se fiche bien de pacifisme ou d'écologie à ce stade, ce n'est plus son combat : consciencieusement, il balaie tout pessimisme, relègue les maux à l'arrière-plan pour délivrer non seulement une oeuvre apaisante sur la vieillesse, mais aussi un cri de vie amoureux et serein à l'infini. Loin de s'engager vers les eaux troubles de Mononoke, Miyazaki ne se donne pas la peine de complexifier et semble au contraire aller au plus simple, touchant ainsi à la grâce et à l'essentiel, empruntant des détours inattendus pour la déclinaison d'un résultat voisin aux précédents, dont l'effet est un enchantement complet et permanent.

 



L'argument est mature et enfantin. Sophie, 18 ans, bosseuse silencieuse et effacée, est transformée en vieille femme de 90 ans par la vile et jalouse sorcière des Landes. La malheureuse n'a plus qu'à retrouver Hauru, sorcier éphèbe l'ayant précédemment tirée d'une mauvaise passe, pour rompre le sort. Elle rencontre ses compagnons dans le château ambulant évoqué par le titre...

chateauambulant_chateauSortie de sa timidité, la nouvelle Sophie se découvre une énergie, une soif d'existence, d'aventures et de variété et un contentement à faire le bien qu'elle n'envisageait pas, probablement pas même en imagination. C'est aux abords de la fin que naît chez elle l'envie de prendre son destin en mains, ainsi que le courage, la curiosité et la détermination qui accompagnent ce sentiment.

La transformation, les mutations chez Miyazaki justifient sinon amènent à la remise en question de ses personnages par eux-même ou par le spectateur, dont l'empathie est triturée et malmenée dans ses certitudes. Chez lui rien n'est acquis, l'essence d'un être est mouvante et multiple, les espaces mentaux recouvrent des visions ou perceptions respectées par des visiteurs décidés d'avoir tout à y gagner. Ainsi, cette héroine, que seule la laideur et la décrépitude de sa nouvelle enveloppe a su sortir de ses gonds, saura égratigner la surface de la Sorcière pour lui découvrir des aspects plus sympathiques, ou encore affronter la bestialité de l'être aimé tout comme la frustration de n'être pas reconnue à ses yeux selon la valeur spécifique qu'il lui attribue.

Notre propre contact avec cette petite communauté forte d'elle-même, d'autant plus attachante qu'elle ne s'enferme pas dans un cocon délimité, est lui-même un revigorant ravissant pour l'âme, la source d'un bien-être intense. Même les accès mangas ou les parcelles comiques enfantines, personnalisées par l'attachant, lourdingue et tatillon Calcifer, n'entament en rien, mais finalement participent en stylisant son langage, au vertige procuré.


 

chateau_afficheHauru no ugoku shiro**** Animation***** Scénario**** Dialogues*** Originalité**** Ambition**** Audace*** Esthétique**** Emotion*****

 

 

Notoriété>41.600 votes sur IMDB ; 7.400 notes sur allociné  (3e, derrière Mononoke et Chihiro)

Votes public>8.1 sur IMDB (légère tendance féminine) ; USA : 8.8 (metacritic) ; France : 8.5 (allociné)

Critiques presse>USA : 8.0 (metacritic) ; France : 8.3 (allociné)

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Commentaires
P
Je crois plutôt que c'est un film parfaitement limpide, tout à fait accessible, mais qui tord pas mal de repères. Quoiqu'il n'est certainement pas l'exemple absolu qui refléterait cette définition, "Le chateau Ambulant" demande au spectateur de laisser certaines exigences rudimentaires (et évidentes) au placard (la narration est un peu malmenée ici, on ne connaît pas tellement Sophie alors qu'elle se transforme, Miyazaki n'a pas peur des violons...) ; dans ce cas de figure, à titre personnel, je ne m'en porte que mieux.
B
"objets les plus précieux", faut pas déconner ! <br /> Oui c'est "trop" sans doute, à un moment il faut savoir proposer une histoire rationnelle, relativiser son imagination, parce que sinon on embrouille le spectateur plus qu'autre chose, et là dans ce film c'est le cas !
P
Je comprends ce que tu entends dénoncer, "Le Chateau Ambulant" est un peu le film "obèse" de Miyazaki, a-priori ; pourtant je trouve qu'il élague plus que les autres, il s'intéresse de plus près à tous ses personnages, au scénario en lui-même, afin de trouver l'émotion sans les mille enjeux thématiques sous-jacent ou l'hallu visuelle. Et le résultat me paraît tout aussi vertigineux et fascinant.<br /> Chihiro fait référence en permanence à la culture nippone ; ça ne l'a pas empêché d'être un succès mondial, mais cet aspect en plus de l'expérience de "rêve éveillé" peut aussi en écoeurer certains, ça ne m'étonne pas. Mais pour faire court, les trois quarts succombent comme jamais. Pour moi, Mononoke et Chihiro sont à inscrire parmi les objets les plus précieux dont le cinéma nous laisse disposer. Mais on peut préférer poser des limites à l'étrangeté ou au "grandiose". Ca peut sembler "trop", trop gros, grand, fort, inoui, décalé... Je ne sais pas, mais ces quelques films de Miyazaki tutoient des sommets de perfection qui sans me faire perdre toute distance critique, l'occulte avec facilité.
B
D'accord à la rigueur pour Mononoke, mais pas pour Chihiro, trop bizarre pour le spectateur qui n'y connait rien. Et dans le cas du Chateau ambulant c'est encore pire, Myazaki montre vraiment des signes de fatigue et prouve que son génie n'est pas éternel. On a plus qu'à attendre la reprise (comme burton qui lui l'a fait), mais à mon avis c'est pas gagné, peut-être qu'on en a fait le tour !
P
Tu fais bien et pour une fois confirmer l'avis général est à prescrire. <br /> LE CHATEAU AMBULANT est diffusé ce soir et c'est l'un des meilleurs(ne nous leurrons pas, même aux sommets on trouve toujours à départager), ne le rate pas. C'est un bon point d'accès vers son oeuvre, même si quelques pros ou spectateurs ne l'ont pas trouvé à leur goût : la "déception" de quelques-uns était évidente après MONONOKE et CHIHIRO (ne rate ces deux-là sous aucun prétexte, tu t'en mordrais les doigts), mais honnêtement, elle est quasiment marginale. <br /> Blogness rejoint la minorité. Ce n'est pas un gage de qualité, mais si pour une fois cela peut apparaître comme un argument, alors je suis prêt à être assez lâche pour y avoir recours.<br /> <br /> Le seul regret à propos de cette programmation, c'est qu'elle est sélective : les 6 chefs-d'oeuvres avérés sont diffusés ; l'excellent "Porco Rosso" est zappé, ainsi que "Kiki" et les deux premiers longs, plus méconnus et trèèèèès anciens, de Miyazaki.
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