4sur5 Puisque le film de Fincher achevait en apothéose la plus
fameuse mythologie de la SF, c'est probablement à des caprices de
studios qu'est due l'existence de ce quatrième opus de la saga
''Alien''. Le programme est faste et musclé, à la fois dans la
lignée des envolées quasi mystiques d'Alien 3 [pour preuve,
ce scénario misant sur un improbable retour à la vie de Ripley,
clonée avec son bébé deux cent ans après les événements connus]
et relativement proche d'Aliens le retour dans sa pétaradante
chasse aux monstres.
Le
projet a cette fois été confié à Jean-Pierre Jeunet, or celui des
90's était un auteur remarqué et remarquable ; les producteurs de
la franchise importent ainsi un génie graphique éprouvé sur La
Cité des Enfants Perdus et Delicatessen.
Paradoxalement,
la rencontre de la ''french touch'' et des contraintes du blockbuster
américain crée un équilibre parfait [assuré par Marc Caro
autrefois], évitant à Jeunet de sombrer dans l'imagerie d'Epinal
comme ce sera le cas plus tard. Le réalisateur n'est cependant pas
tant cadenassé, Alien 4 revendiquant un réel décalage vis-à-vis
de ses prédécesseurs. Les libertés prises avec l'édifice abordé,
l'opportunisme [ces trucs ''trop gros'' mais qu'on laisse passer,
tout heureux d'être gratifiés d'un spectacle aussi généreux et
chevaleresque] voir les facéties de l'esprit général, confinent à
un ''second degré'' inconnu de la saga
[sauf, à la rigueur, Aliens 2...].
A
la limite de la farce, Alien resurrection ne se contente pas
d'afficher crânement sa décomplexion, mais vise manifestement
l'éblouissante conclusion. Il n'y a pas ici l'ambition qui émanait
d'Alien 3, Jeunet
préférant manifestement l'accomplissement par la conciliation au
cahier des charges [qui accabla tant Fincher]. Stylistiquement,
le film n'a donc rien à lui envier et surtout le scénario y est
impeccable, intense et fluide car sans trouées, sans zones de
floues. Jeunet atteint des sommets formels ; jamais les créatures
n'auront été si abouties esthétiquement parlant et surtout le film
est bardé de gimmicks cultes, comme cette impressionnante et tendue
séquence aquatique ou l'étrange antre accueillant la réunion de
famille
[somptueuse vision de la chrysalide].
Le
personnage d'Ellen Ripley est premier bénéficiaire de cette
propension à l'esbroufe. A l'inverse de ses camarades globalement
peu ambivalents, simples caricatures étoffées, la reine-mère
subjuguée par son croisement en GI Joe/athlète fatale conserve non
seulement une autorité auprès des aliens, mais aussi sur la
''mythologie'', puisqu'elle est la seule à l'observer avec un regard
absolument emphatique [sa relation à l'alien est la seule parcelle
ou l'émotion rivalise, quitte à prendre de l'avance sur le
spectaculaire].
De
l'entertainment de haut-vol jouissant d'un soin inoui et surtout du
talent et de la grâce qui manquaient à Aliens le retour,
ce ventre mou à la fade virtuosité. Les deux cross-over impliquant
les codes du Predator ne garderont d'ailleurs que cet esprit
récréatif commun aux deux des plus ''bankable'' et ''américains''
des épisodes de la quadrilogie. Mais c'est une autre histoire
puisqu'il n'y aura, pour de vrai cette fois, plus que des techniciens
à s'y atteler.
4sur5
On a toutes les raisons d'aller à reculons vers 8 mm. On redoute
vers quelles eaux troubles ce film nous engagera et la peur éprouvée
est notamment celle de la forme qu'empruntera la réponse éthique au
sujet abordé. Avec Joe Schumacher, ce vieux réac prêt à tout pour
valider votre Droit de tuer, elle pourrait bien être aussi
glauque et inacceptable que ce qu'elle épingle, ou à défaut
subtilise simplement. Surtout que manifestement et à l'instar du
héros de son film, Schumacher a dégotée la grosse affaire.
Huit
millimètres met en scène un détective privé incarné par Nicolas
Cage chargé d'attester -ou pas- de la véracité d'une vidéo qu'une
veuve a découvert dans le coffre de son défunt époux. Sur
celle-ci, filmée dans des conditions rustiques, les sévices d'une
jeune femme : viol puis meurtre. Si les sévices étaient réels, il
s'agirait d'un snuff-movie, mais ce dernier est généralement
tenu pour une légende urbaine : tout ne serait que mise en scène et
il n'y aurait pas de snuffs ''authentiques''. Ou alors, dans quelle
sphère ?
Qu'une
telle thématique ait pu atterrir sur les écrans de
''mr-tout-le-monde'' étonne, que le film ait été rejeté en bloc
par la critique et sans doute l'intelligencia de façon générale,
beaucoup moins. Pourtant Schumacher est loin de délivrer un produit
racoleur, loin aussi de tout mélanger [contrairement à une large
frange de ses détracteurs dont les arguments se contredisent, en
particulier autour de la dualité ''voyeurisme/complaisance'' et
''idéologie fasciste'']. Il y a dans 8 mm et
comme toujours chez Schumacher, ce mépris pour les ''ordures'' de la
société [l'ex de la victime, en prison au moment de l'enquête de
Tom Welles/N.Cage] en même temps qu'une compassion pour la misère
humaine [la mère de Janett] qui permettent le doute. Mais le regard
de Schumacher n'est en rien condescendant ou sentencieux envers les
rebuts, les marginaux. Schumacher cherche même à instaurer la
sympathie pour certains de ceux-là, faisant d'un petit vendeur de
sexe le collaborateur du détective. Lorsque Tom Welles arpente les
braderies du hard dans le but de joindre le marché du snuff, les
pervers notoires réagissent brutalement à ses demandes obscures. De
même, nous ne sommes plus dans le domaine de l'art SM ou d'un porno
radical : Schumacher normalise presque la ''déviance'' en la
séparant clairement du snuff.
Néanmoins
ici tout est noirceur et le scénariste de Seven ne trahit pas
sa réputation. Mais sa mécanique est épurée. Pas de
rebondissements inutiles [la famille de Welles ne sera pas prise en
otage, son compagnon ne retournera pas sa veste], pas de ces astuces
esbroufeuses que nombre de thriller US à sensation, bien que plus
passe-partout, n'auraient pas hésité à user. Pas de twist sauvage
non plus. Il y a une surenchère dans le
glauque, il y a aussi ces images hyper-réalistes suggérant les
snuffs, recours que Schumacher aurait pu esquiver totalement. Mais si
l'enfer est sophistiqué à l'excès [Schumacher s'abandonne
totalement à son film], le traitement de la violence n'est en rien
esthétisant. Le grand-guignol, s'il y est, ne relève pas de
l'exotisme. 8 mm est une autopsie, un voyage au bout de l'horreur.
Pour de vrai.
Ca
n'a rien de démagogue. Personne n'en sort vainqueur, personne ne
trouve grâce à nos yeux [à l'exception de ''l'allié'' de Cage] :
8 mm a surtout le ''bon goût'' de garder ses distances avec le
personnage principal [malgré qu'il présente sa famille comme son
seul refuge, mais là encore, cette ''grande erreur'' n'en est pas
tant une, puisque celle-ci est malmenée par le héros]. Schumacher
ne permet pas qu'on s'y attache sereinement et à cet endroit, toutes
les accusations de complaisance s'effondrent. Tom
Welles, lorsqu'il s'enquiert de venger la victime torturée huit ans
plus tôt, démontre clairement qu'il cherche à justifier des
pulsions qu'il ne peut plus contenir, parce qu'elles crispent ses
limites morales, sa résistance à l'abject. Le moyen par lequel il
se cautionne [il réclame une autorisation] n'était pas
indispensable. Schumacher a refusé le leurre, et peu vont au bout de
la souffrance, peu remuent les plaies jusqu'à ne laisser aucun doute
: les méchants sont atroces, c'est vrai, Welles aussi est
monstrueux. Ce pessimisme, proche d'une négation de la théorie de
la ''nature humaine'', ne permet aucun double discours.
Tout
manichéisme est balayé. Il n'est laissé aux tueurs aucune
possibilité de rachat ; persuadés que le meurtre organisé est le
crime suprême, Schumacher et son scénariste considèrent
probablement qu'il s'agit d'un stade ou plus rien n'est à juger ou à
excuser. Mais cela n'occulte pas la nuance et la façade humaine de
ces personnages : ils ont ce que la dite humanité contient de plus
terrible en elle, ils sont aussi des sujets sinon d'une banalité
déplorable, aux atours et aux vérités triviales [l'exemple,
démonstratif certes, de Machine]. Ces deux notions s'enlacent. 8 mm
grignote peut-être des frontières éthiques [mais c'est à revoir,
à mesurer], peut-être que ce qu'il montre devrait davantage être
tenu en laisse. Il regarde l'Homme sans
allégeance et cette posture est la plus intègre qui soit.
Joel
Schumacher sur PS.... Le Fantôme de l'Opéra + Phone Game +
L'Expérience Interdite + Le Client + Batman Forever (B3) + Bad Company +
Batman&Robin (B4) + Le Droit de Tuer ?
Nicolas
Cage sur PS.... Sailor & Lula + Les Associés + Kick-Ass + Family Man
2sur5
Annoncé par ses fans comme le grand retour de Tobe Hooper vers la
qualité, considéré comme le métrage qui l'aurait sorti de l'oubli
et son meilleur film depuis ses deux classiques [Massacre à la
tronçonneuse et Poltergeist], Toolbox
Murder permet d'être fixé : il manque définitivement aux
fabrications de Hooper l'ampleur qui ferait de leur auteur un
cinéaste. Ses produits à la linéarité coupable attestent, au
mieux, d'aptitudes de bon faiseur parfaitement anecdotique.
Remake
dont le modèle se traîne une réputation pitoyable et n'a en rien
marqué les cinéphages accrocs du genre, Toolbox Murder n'est pas
excessivement médiocre, c'est même une gentille série B, un peu
plus sophistiquée et maîtrisée que la moyenne. Mais en aucun cas
un tel métrage, juste ''regardable'', ne laisse deviner l'ombre d'un
mythe. Le pitsch est sans intérêt et on voit que l'écriture, pour
Hooper, n'est qu'une besogne à accomplir : les dialogues sont niais,
les personnages pas mieux, ce ne sont que des coquilles vides typées
au burin dont les déambulations outrées [le concierge attardé, la
fille d'en face émigrée de Babe 2, le délinquant d'à côté
: le petit théâtres des tarés qu'on vous dit] sont censés donner
une touche ''strange'' à l'étage maudit ou Angela Bettis
[l'inoubliable May du film éponyme] se sent prise au piège.
Aussi mal servie que les autres, son personnage, qu'elle assume
admirablement soit dit en passant, a ce petit côté Marina Fois
(refoulée) du macabre qui crée un décalage sympathique.
L'avalanche
de petits mystères, de sinistres phrases en l'air et prédictions
bidons n'est pas ce qui fait de Toolbox Murder un film à peu près
potable ; l'éventuel pouvoir d'attraction du
film repose entièrement sur l'ambiance. Pas de génie là non plus,
mais suffisamment de matière pour susciter un certain plaisir
d'esthète : Hooper en fait des tonnes avec le contexte claustro et
ça marche, l'univers qu'il nous présente, à force
d'esquiver de façon globale la lumière du jour [au sens propre –
mais ou sont passées les fenêtres ?], possède un charme
indéniable.
Saignante
et banale, la seconde partie apporte son lot de révélations
attendues, absolument mal foutues, mais l'investissement d'Angela
Bettis, l'incongruité assez cheap de l'antre du tueur et le
rentre-dedans général, haut-en-couleur quoiqu'absolument désuet,
permettent à Toolbox d'esquiver les méandres derrickiennes. Tout
ça est sympathique, généreux parce que démonstratif et en même
temps terriblement modeste à cause de sa condition. Mais au fond,
c'est assurément ce que Tobe Hooper, sans coup de pouce
d'institutions supérieures [l'inconscient collectif ou Spielberg],
peut faire de mieux. Un bidule bien fagôté pour une dernière
partie de soirée, se contemplant avec un plaisir aléatoire et une
absence globale de frémissement.
0sur5
Soyons clairs, que le compteur soit au point mort pour Family
Man, il y avait de quoi s'en douter à la vue de son pitsch : un
malheureux ayant écouté ses ambitions a oublié la famille et
l'éventualité de connaître les bonheurs de la vie simple. On
connaît le refrain. Les couplets seront sans surprise.
Réalisateur
de la trilogie Rush Hour, dont il venait de signer le
premier opus avant de mettre en boîte Family Man, Brett Ratner
est un réalisateur éclectique. Dans son cas cela signifie qu'il met
sa virtuosité au service de daubes qui ne se ressemblent pas, parce
qu'elles se rattachent à des genres différents, voir antagoniques.
Il s'est ainsi fabriqué un CV très cohérent : tous ses films se
répondent parce qu'ils sont laborieux ou sans ambitions chacun dans
leur domaine. Dragon Rouge sera la seule exception à la
règle, au résultat assez contradictoire, puisque c'est justement
parce que Ratner ne s'approprie pas le mythe d'Hannibal Lecter que
celui-ci se permet de défiler tranquillement à l'écran ; le
prologue trouve un écrin classique qui ne se mêle jamais d'investir
son sujet, laissant ce dernier libre de ses mouvements.
Un
yes-man qui s'incline devant les impératifs qu'on lui confie ; pas
de sa faute, donc, lui n'est là que pour appliquer. L'idée de
Family Man repose sur le principe du ''et si'', hérité de La Vie
est Belle de Frank Capra, classique absolu aux USA,
culturellement (presque ?) aussi important que Le Magicien d'Oz.
Le script du film de Capra a inspiré beaucoup de versions
sirupeuses, consensuelles [tout récemment, Shrek 4]
et pourquoi pas, allègrement réac. C'est le cas ici ; comme
on le devine rapidement, ce n'est plus que du bonus, on s'amuse à
repérer les outrages conservateurs, les séquences les plus limites,
etc. [un peu comme devant Ce que veulent les femmes,
hallucinante démonstration de mysognie].
Le
soir de Noël, Jack Campbell [Nicolas Cage, look passe-partout pour
une fois] perd connaissance et passe dans une autre dimension. Il se
retrouve père de famille et marié à Kate, qu'il aurait du il y a
une quinzaine d'années rejoindre après son voyage à Londres. Mais
la vie en décide autrement, n'est-ce-pas, et Jack est resté à
Londres plus d'un an, devenu depuis directeur d'un cabinet de conseil
en affaires à Wall Street. Comme il en a de la chance : aujourd'hui,
grâce à un ange gardien black, Jack a les cartes en mains pour
éviter de devenir un personnage respectable et solitaire. Dans cet
univers ou il n'est jamais parti pour Londres, il est vendeur de
pneus, ses amis sont des gentils gars de la campagne et sa garde-robe
c'est du 100% gros pull à laine agrémenté de motifs
particulièrement élaborés, du genre sapin de Noël, paysages
bucoliques en 1D etc.
Pendant
un long moment, Nicolas Cage est notre balise de secours [couplé à
notre curiosité de le voir se démener aux côtés de Téa Leoni
dans un cadre si répugnant]. Son regard cynique sur la réalité
nouvelle qu'il subit maintient encore une distance avec celle-ci. Il
finira bien sûr par céder à la mélancolie pour cette vie ratée
qui lui apparaît bientôt attendrissante [assumant alors son
impuissance effective dans le contexte de ''la petite vie'']. Le film
ne rate rien : on se moque des gens de Wall Street, des urbains,
prétentieux et vains, nus sans leurs habitudes ''péteuses'' [genre
: Jack veut s'acheter un costume : non, chéri, prends-toi plutôt un
morceau de chouquette, ça coûte pas cher, mais ça, c'est un VRAI
moyen de te mettre le coeur en fête !]. En substance, des incapables
sitôt qu'ils seraient en-dehors de leur élément.
Bref,
de l'avenir faisons table rase. Au-delà de la nullité du programme,
tout est d'une platitude incroyable et rien ni personne ne vient
signaler à Ratner qu'il serait intéressant de dépasser la simple
idée du postulat de départ. Un moment caustique, un seul, lorsque
Jack Campbell dresse le portrait de ses anciens confrères, ou plutôt
de ses confrères du monde parallèle. Caustique sur le papier, bien
sûr, ou dans le principe. Pour le reste, c'est
juste une comédie drama-fantastique atteignant des sommets de
mièvrerie complaisante. Humour familial rase-motte et écoeurant,
limite malsain ; comment supporter la vision d'un film cherchant à
vous divertir avec un gros-plan sur le sexe-rigolo d'un bébé
urinant en l'air (et accessoirement tout près du visage de son
père), tout en évacuant avec l'empressement d'une vierge offensée
l'idée de l'adultère (incarnée comme une véritable perversion par
une esthéticienne de ''mauvais goût'' – une débauchée, une
femme ''qui cherche'', c'est ça non ?).
Il
aurait été absurde d'attendre de voir ici l'ombre d'un Spike Jonze,
mais de là à ne rien exploiter du potentiel énorme qui s'offre au
film, il y a un monde. Ce fossé est indéniablement creusé par des
exigences qu'on ne saurait nommer. Qui a écrit ce ''truc'' ? Une
ménagère icônisant Sarah Palin ? Est-ce un plouc aux manettes ?
Au
fond (et il n'y a pas besoin d'allez chercher loin), ce film méprise
profondément ''ses sujets''. Family Man, c'est Hollywood qui vous
dit qu'elle vous aime comme vous êtes, que c'est pas grave, et que
c'est même très bien pour tout le monde que vous demeuriez au stade
ou vous en êtes. C'est faire croire aux foules qu'elles ont tout
pour être heureuses alors qu'elles n'ont que le minimum [alors qu'on
sait que si elles s'en satisfont, c'est soit pour de faux -une
posture sociale, soit parce qu'elles ne connaissent rien d'autre -un
manque, social].
Le
film esquive le pire au bout de ses deux-tiers pour se tourner vers
une histoire d'amour plus neutre. Il s'agit alors de tenter de
rattraper un amour qui pendant quinze ans s'est oublié [au péril,
encore, de la réussite]. Le film ne prêche alors le bonheur du
foyer qu'en sourdine ; le bonheur n'est pas seulement au foyer, il
est aussi dans l'amour. On a vu ça mille fois, c'est asséné avec
une finesse de bulldozer [l'aéroport lieu de tous les sévices
oratoires]. C'est un peu mieux (ou moins pire, plus ordinaire et plus
''normalisant'' en somme). Mais pourquoi faut-il forcément accepter
une vie modeste, le sacrifice de ses rêves et un taux
d'épanouissement à zéro par amour [et pour le désir, toujours
explicité, de fonder une famille, etc. -les fioritures autour-] ?
Pourquoi, lorsque Jack tente de retrouver Wall Street par la petite
porte et [SPOILER] lorsqu'il le retrouve concrètement, doit-il
renoncer à ses ambitions par amour ? L'amour, c'est se vider pour
l'autre ? C'est tout abandonner de ce qui fait ce qu'on ''est'' ; et
s'offrir ainsi, comme une copie blanche docile et soumise ?
1sur5
Le premier ''véritable'' film de Cameron, Terminator,
est une oeuvre précurseuse et post-moderne au sens littéral,
puisqu'à la lisière d'une imagerie un peu repliée sur son époque
et de tout ce qui se fera dans la décennie à suivre. Si on ne
connaissait de lui que ce joli coup, on estimerait qu'il y aurait eu
beaucoup à miser sur ce probable énergumène. Puis le succès fera
de Cameron le roi des gros budgets : Titanic sera un sommet
historique avant qu'Avatar ne lui permette d'écraser son
propre record. Entre-temps, James avait encore plus d'un tour dans
son sac pour faire parler de lui : la ressortie en 3D de Terminator
2, finalement avortée, aurait marqué un nouveau record dépassant
celui de Titanic en comptant les nouveaux investissements,
alors que pour anecdote, T2 fut déjà le premier métrage à
dépasser les 100 millions de $ de budget.
Voilà
donc qu'en 1991, une petite équipe de bissoteux de première classe
se retrouve sept ans après, avec la grosse tête et des gros moyens.
Aujourd'hui, Terminator 2 est toujours considéré comme un film
culte parmi les films cultes et accessoirement comme le meilleur opus
de la saga, laquelle en compte quatre à ce jour. Vingt ans plus
tard, sa vision pourrait cependant s'avérer fatale pour quelques
petits curieux. Le film doit beaucoup de son succès global et
notamment d'estime à la qualité de son animation. Il est
techniquement irréprochable, au point qu'il aurait pu a-priori
sortir la semaine dernière qu'on y verrait que du feu sur ce seul
registre.
Le
scénario est sensiblement le même, décalé de quelques années.
C'est l'occasion de découvrir John Connor, petit caid de 10 ans en
famille d'accueil, dont la mère Sarah est désormais internée et
sous haute surveillance. Là-dessus Cameron joue cash : les enjeux
ont été posés dans Terminator premier du nom avec ses
concepts alambiqués, inutile de revenir dessus. La fin du Monde
approche, toujours déterminée à intervenir en 1997, mais elle est
relative, puisqu'elle laissera des survivants occupés à affronter
une civilisation de machines. Mais de fait, aucun progrès dans la
''mythologie'', aucune nouveauté et surtout un film atrocement vide,
dont la forme éblouissante ne masque pas longtemps la pauvreté et
la platitude narrative.
Ce
qui gêne dans Terminator 2, c'est à quel point il est l'exacte
réplique-miroir de son prédécesseur, c'est-à-dire une copie
carbone vidée de toute substance un tant soit peu ''offensive'', en
d'autres terme de toute noirceur. A une honnête référence succède
ainsi sa version soupe ''colossale''. L'opportunisme de T2 n'est que
bas et veule, il ne consiste qu'en lobotomisations et inversions :
toute la démarche tient à remettre les points sur les ''i'' façon
hyper-mainstream.
L'emploi
de Schwarzenegger en est le premier exemple : l'avatar le plus
édifiant de Terminator a étrangement retourné sa veste [il
s'humanise quitte à entrer en contradiction vis-à-vis de ses
données]. Comme il est cool, comme il est gentil maintenant : c'est
lui cette fois qui vient défendre John et assurer son avenir.
D'abord livré comme un jouet un peu dangereux le
compagnon-protecteur se mue vite, on l'aura compris, en père que
John n'aura pas eux [culturiste et autiste, pas formidable la figure
paternelle...].
Figure
au burlesque jusque-là encore timide, Terminator opère un retour
destroy s'annonçant des plus réjouissants. Le climax, c'est THE
scène de l'arrivée ou Schwarzy s'en prend à un biker avant
d'enfourcher la prunelle de ses yeux sur Bad to the Bone.
Mais on déchante vite, puisque cet homme à la moto se réclame
bientôt bourrin pacifiste [tuer=pas bien ; cogner=content] et se
voit coolisé par le gamin. En outre, il lui apprend quelques ''reste
cool, sac à merde'' ou ''hasta la vista baby'', des classiques
instantanés. Terminator 2, avec son héros au look bad guy, son
apologie du style hardos-coolos/hardos-bolos, fait doucement rire de
lui-même.
Ce
n'est pas particulièrement volontaire. Ca ne l'est même pas du
tout. Le film est plus ou moins égal au schéma d'Aliens
le retour : un bon
démarrage, pas très stimulant, mais disséminant de quoi se bercer
de quelques modestes illusions ; cela dure près d'une heure.
Intervient alors une scène monumentale, celle de l'évasion, d'une
virtuosité monstrueuse. Puis c'est la pente descendante et chacune
des tares qu'on aura pu apercevoir se développe jusqu'à dévorer
totalement l'écran. De braves gens bavardent en préparant leurs
flingues et font passer Il
faut sauver le soldat Ryan
pour du Nietzsche, Sarah se la joue borderline bon marché et
s'embarque dans des soliloques à la bêtise absolue... surtout, le
film bascule dans la niaiserie totale, franchissant tous les points
de non-retour.
Cet
élan emmène tout avec lui, bafouant aussi toute cohérence,
notamment lorsque John confie à son nouveau pote ''y a des fois je
vois ma mère pleurer'', celle-ci aimant toujours son père qu'elle
n'a connu qu'une nuit. Problème, ils viennent seulement de se
retrouver, Sarah redécouvre à peine la liberté. A force de vouloir
susciter l'empathie sans retenue, Cameron contredit tout ce qu'il a
crée auparavant. On aura pu relever quelque entorse aux règles des
métamorphoses du poursuivant des Connor, le T-800, mais elle était
le prétexte à une sympathique idée graphique [le flic face à son
double]. Ici l'incohérence concerne le scénario et le monde de
Terminator : on nage en pleine débilité [voir l'issue qui s'offre
au T-1000].
La
version longue du film (2h36 au lieu des 2h11 de la version cinéma)
ne lui rend pas vraiment justice puisqu'elle est assez
contradictoire. Si elle l'enfonce encore plus dans son humanisme
niaiseux et sa solennité crétine, elle dévoile aussi quelques
séquences bien plus osées et intéressantes. Chacune d'entre elles
concerne Sarah dans le contexte de l'hôpital psychiatrique, or le
meilleur du film sans même la director's cut est contenu dans cette
partie. Le charisme de l'actrice et du personnage font des
merveilles, le raffinement de cette photo aux tons bleutés suit.
C'est à ces seuls moments que la tension est palpable et ce sont
ceux-là qui préparent le terrain pour rendre l'évasion si
redoutable. Nous découvrons ainsi entre-temps l'un de ses rêves et
le traitement de faveur que lui réserve les gardiens. La saga y
gagne un peu de cohérence, Sarah assoit son avantage sur tous ses
fades camarades.
Terminator
2 est pour beaucoup un classique absolu, un bout de pellicule
mythique et le vecteur du plus serein des stand-by. Pourtant, en
reprenant l'univers de son prédécesseur pour le ripoliner sans retenue, ce
spectacle, sans doute gargantuesque, jouissif diront ses nombreux
fans, est surtout, à une HP près, un gâchis complet.
Notoriété>231.000
sur IMDB ; 12.600 sur allociné [records de la saga]
Votes
public>8.5
sur IMDB
(41e du top250 historique & tous genres confondus – sensible
tendance masculine) ; France
: 9.0
(allociné – 35e meilleur film de tous les temps) ; USA
: 9.5
(metacritic) [records saga pour chacun]
Critiques
presse>USA
: 6.9 (metacritic
– en baisse)
Note
globale selon Cinemagora → 8.4
(record saga)
Saga Terminator sur PS..... Terminator + Terminator 3, le soulèvement des Machines + Terminator 4
James Cameron sur PS....... Abyss + Aliens le retour + Titanic + Terminator
Arnold Schwarzenegger sur PS...... Total Recall + Un flic à la maternelle
2sur5
A partir d'A.I. Spielberg s'engageait vers un cinéma
qu'on dira plus ''adulte'', mais cette première rupture d'avec
l'entertainment pur et simple des 90's [ère Jurassic Park,
entre autres] ne sera pas au goût de tout le monde. C'est avec La
Guerre des Mondes que ce tournant trouvera sa quintesse, ou la
cinéaste le plus mainstream d'Hollywwod devient un cas autrement et
outrageusement intéressant. D'ou un paradoxe ; c'est que, après
trente ans de carrière, le cinéaste apparaît alors comme un
débutant, puisque le voilà à un stade [et sur des sentiers] ou il
a encore tout à prouver.
Entre
les deux cas énoncés, il y aura Minority Report, largement salué
quand à lui. Le scénario se fonde sur une riche idée : en 2056, le
Monde peut empêcher les crimes de se produire grâce à des visions
obtenues via des créatures nommées pré-corg. Mais comment ces
crimes peuvent-ils être inscrits dans le futur si on s'apprête à
les en rayer ? Spielberg n'esquive pas, il interroge cette
prédétermination douteuse par définition. Les questions qui nous
agitent devant un tel pitsch existent en sourdine à l'écran.
Sans
surprise, un thème d'époque est saisit : la sécurité, et le
scepticisme devant l'intégrité des mesures en vigueur dans ce futur
proche pour permettre une protection à ses citoyens. En effet, si
leurs actions sont ''anticipées'' au nom de visions d'un support
''technique'' et immatériel, celui-là commande-t-il ou a-t-il
seulement intégré les sentiments profonds de ses sujets ? Croit-il
qu'ils sont immuables, ce qui signifierait alors qu'il a pu les
définir ? Spielberg aperçoit une contradiction : la plèbe, malgré
la menace d'un Big brother répressif, commet toujours des meurtres :
logique, on ne peut pas réprimer des instincts. Il laisse surtout
intervenir la notion du destin, or celle-ci ne peut être considérée
avec sérieux et encore moins être validée devant le schéma
cartésien qui autorise des officiers de pré-crime à mener leurs
arrestations. D'autant que si les futurs criminels le sont, ils sont
niés en tant qu'individu : censé accomplir ce qui a été
''prévu'', ils n'ont donc aucune prise sur leur ''destin''.
C'est-à-dire qu'ils suivent des plans ; or ceux-ci ne connaissent
rien d'eux ni de ce qui peut les influer à tout moment.
Comme
les films d'horreurs carrés et ambitieux ou sont présentés les
personnages au devenir viande, ce film de SF carré et ambitieux
s'enquiert pendant trois quart-d'heure de tisser une toile
philosophique, réunissant des données pour rebondir sur chacune, on
l'espère, postérieurement et étendre sa probable réflexion.
Minority Report est conçu à partir d'une nouvelle de Philipp K.Dick
qui inspira les chefs-d'oeuvre Blade
Runner et Total
Recall. La dimension philosophique
attendue mais surtout promise initialement chez Spielberg est plus
lissée que dans ces deux derniers cas, loin notamment du spectacle
presque (?) brechtien de Verhoeven ; ici d'ailleurs, le spectateur
découvre de ''vrais'' personnages, soit des personnages ''à
psychologie'' à-priori [même si leur intérêt dans le fond
est purement fonctionnel et qu'ils restent unanimement dociles (à
l'exception peut-être de l'éternellement génial Max Von Syndow,
qu'il aurait été indécent de convier sans avoir à lui confier le
rôle le plus profond)]. Bonne initiative pour
éviter la thèse pyrotechnique sans chaire.
Nous
suivons ainsi un chef de division [Tom Cruise] qui au terme de
l'exposition se retrouve accusé de meurtre prémédité par les
visions des Cogs. L'arroseur arrosé, encore une occasion de faire
ricochet : mais le film en devient-il, pour cette raison et toutes
celles qu'offrent le matériau dont il est tiré, subversif ? Non, on
s'en doute ; ce qui dérange, c'est que les
possibilités se referment aussi vite. Car s'il y a une foule de
discrètes ébauches, rien n'est développé. Les férus de SF ne
verront donc de ''progrès'', à la rigueur, qu'en surface. C'est que
les thèmes des dissidents d'autrefois sont entrés dans le giron
mainstream [enlevez Videodrome,
Matrix & consorts ne verront jamais le jour], mais celui-là ne
veut en garder que la flatteuse enveloppe. La fuite du héros vaut
dès lors pour l'univers désincarné, froid et timidement élégiaque
[le design et l'architecture futuristes sont irréprochables] ou elle
s'inscrit.
Il
y a de jolis restes qui traînent de-ci de-là : notamment ce lieu ou
on vient se projeter dans une vie fantasmée, quand d'autres ne
trouvent qu'à allez au cinéma, voyager en Afrique ou fumer un joint
pour se débrancher, s'approprier une parcelle de temps ou ils
perdent contact avec l'existence qu'ils traversent. Il y a notamment
cette visite chez l'équivalent de l'Oracle de M atrix [pour
schématiser à gros traits], ou le système judiciaire infaillible
trouve son démenti, simple, cinglant, irrévocable : le doute [il
prendra le nom de ''variables insignifiantes'']. Le plus petit suffit
pour que tout s'effondre.
Mais
MR tourne au thriller basique, de grande classe cela dit [c'est si
joli, si virtuose, on n'enlèvera pas cela]. Mais somme toute peu
haletant : Spielberg dans ce domaine n'a pas l'ampleur d'un
tout-puissant Fincher, ni la même manie de torsader ses scénarios
[au passage, The Game et Panic Room méritent d'être
réévalués, c'est avec ces deux exercices de styles que son
savoir-faire de narrateur/manipulateur culmine]. Le
film tombera même assez bas, car ce n'est rien d'autre qu'un regard
enfantin que Spielberg pose sur le monde à l'arrivée. Le potentiel
infini du projet s'étant écarté peu à peu, ce basculement vers la
niaiserie n'étonne pas, de fait. Mais tout de même ; on se croirait
devant un mix de The Fountain
et Dr Quinn.
Le salmigondis de belles idées, avancées sans vanité mais aussi
sans profondeur, accouche d'un nabot passe-partout et somme toute,
plutôt oubliable, jusque dans sa démarche esthétique et
esthétisante sans une once de fièvre ni poésie.
Avertissement
: l'article ne dévoile pas les ''véritables'' mystères du film,
mais il vaut mieux le découvrir sans rien en savoir au préalable pour s'en délecter ou le détester le plus librement possible.
(ce
qui est surligné en rose peut être lu sans souci)
3sur5
A un défaut de fabrication près, tout
l'édifice qui fait de Los Cronocrimines une réjouissante surprise
s'effondre. En quelque sorte, c'est même un film raté.
Expliquons-nous : avec ses jumelles, Hector voit une femme se
dévêtir, dans le bois qui fait face à son domicile. La sienne
partie, il tente de retrouver l'exhibitionniste présumée. Lorsqu'il
la retrouve dans la forêt, il est agressé et s'enfuit. Poursuivi
par un homme au visage bandé [très
belle idée graphique, merveilleusement exploitée, notamment dans la
dernière partie du film – le look pochette Elephant Man],
il pénètre bientôt dans un bâtiment, entre en contact avec un
homme via un talkie-walkie, le rejoint, s'introduit sur ses conseils
dans une sorte de cuve. Lorsque le couvercle est réouvert, Hector a
fait un voyage dans le temps : il est revenu quelques heures avant
les événements. L'apprenti scientifique à ses côtés lui explique
la situation : Hector est ici et chez lui, en clair, il est en double
au même endroit de la ligne du temps.
Ce
premier film de Vigalondo Nacho démarre ainsi très fort avec un
suspense hyper-réaliste, un contexte minimaliste et une étrangeté
totale. Mais il y a un problème, énorme : au bout d'une demi-heure
environ, soit à peine Hector sorti de la machine, on devine les
tenants et aboutissants du film. Pas sa fin, même si on croit s'en
douter, mais tous les rouages qui doivent mener à elle. Le
scientifique dit à Hector qu'il lui faut suivre ses commandements
pour que la situation redevienne normale. Mais nous savons aussitôt
que ce que Hector fera, soit Hector n°2 et désigné comme tel dans
le film, nous l'avons déjà vu.
Hector
est donc a-priori condamné à une boucle temporelle, à se chasser
lui-même. La logique se brise fatalement : comment cette boucle
a-t-elle pu commencer ? Y aurait-il un ''big bang'' sur la ligne du
temps d'Hector – car on ne peut, prenant le problème en tout sens,
l'expliquer autrement ? Que tout s'emboîte est normal, mais, lorsque
Hector, le premier, croise l'homme au bandage [c'est-à-dire
lui-même, mais celui qui est déjà passé à travers la machine –
on le comprend instantanément, à moins et ça n'est pas exclu
d'être ébahit par le pitsch du film], d'ou vient celui-ci ? Du
futur, déjà ? Mais personne n'est encore passé dans la machine –
d'autant que nous suivons Hector selon son évolution.
De
fait, le film est extrêmement simple, limpide, évident. Alors,
pourquoi reste-t-on ? Parce que Timecrimes passionne pour une raison
simple et folle : les pérégrinations d'Hector consistent à passer
de l'autre côté du miroir : ce que voit le personnage, c'est le
film de lui-même, celui dont il est amené à jouer le rôle de
l'élément perturbateur. Ce n'est pas tant ce qui va arriver qui
importe, mais comment cela va arriver et surtout, nous suivons Hector
avec le doute de le voir dévier. L'atmosphère compte alors
énormément et ici elle est idéale : Nacho tire bénéfice de son
manque de moyens criant en peaufinant un huis-clos spatial et
temporel dont la simple structure, même chancelante, est un atout de
chaque instant.
Le
film prend tout son sens à ses deux-tiers. En effet, lorsque nous
voyons ce qu'on n'avait pu savoir avant, le malaise devient cohérent
et la dimension intime écrase les astuces scénaristiques. La
ritournelle entêtante est boosté par les choix d'un Hector aliéné
-sans quoi la répétition tournerait à vide- et surtout par son
adaptation, assimilée ou manquée, dans la ligne de temps qu'il a
explosée. Ainsi, lorsqu'il devient l'homme aux bandages, ce n'est
pas de son propre chef, de façon pulsionnelle. Il n'y réfléchit
pas une minute et c'est seulement devant le fait quasi accompli qu'il
saisit ce qu'il est censé entériner pour précipiter Hector n°1
dans la boucle. L'ambiguité du film est importante, on ne sait trop
à quel point elle est maîtrisée : tout se passe comme prévu,
parce que Hector a été dissident, parce que c'est lui, en tant que
''n°2'' revenu du futur qui a modifié cette boucle temporelle :
néanmoins, le problème du commencement demeure entier et il surgit
avec même beaucoup plus d'ampleur (cela confine à l'absurde) – ce
qui en agacera dans la seconde demi-heure du film.
Indubitablement,
Timecrimes accumulera les incohérences mineures [surtout sur les
comportements de l'Hector du premier quart-d'heure] ; par exemple,
son Hector n°2 a le bandage... parce qu'il a reçu un coup de
ciseau... lorsqu'il était Hector n°1... alors que nous sommes
revenus en arrière [et que c'est lui, Hector n°2, qui doit
appliquer le coup de ciseau dans quelques heures à Hector n°1/Hector
originel]. Mais ceci n'est pas totalement une erreur : ce n'en est
d'ailleurs plus une lorsque le film entre dans sa logique, moins
mathématique, de la ''multiplication'' des ''Hector''. Là encore
Nacho laissera son film dans le flou ; s'il y a un Hector n°3,
tenez-vous bien, c'est le premier que le scientifique découvre.
Bref, il a vu beaucoup de monde à 16 heures et
bien qu'assez limite, le scénario se tient là-dessus. L'ouverture
de la boîte de Pandore trouve alors une justification tout à fait
cohérente, si encore une fois, on accepte les délimitations du
scénario et donc les quelques possibilités ''rationnelles'' [NE PAS
LIRE SI VOUS PENSEZ LE FILM INATTAQUABLE : réunir tous les Hector
dans la même machine, et c'était bon, non ?] que le réalisateur et
scénariste élude. Il ne les a peut-être même pas vues, en fait,
car il a sans doute davantage vu la possibilité d'une tragi-comédie
derrière la caution ''SF''.
L'ambitieux
projet scénaristique se mord la queue et c'est davantage la prise de
tête du personnage autour de ses doubles et sa situation qui
l'intéresse ; et, mieux encore, une anticipation rétrospective qui
implique le scientifique de façon plus directe. On comparera sans
doute le film à Memento,
mais celui-ci, limpide dans sa ligne directive, presque terre-à-terre
finalement, contenait le mystère ; ici, il s'étend, mais c'est un
château construit sur du sable mouvant. Toujours le même problème
finalement. Nacho a sans doute décidé de l'éluder ; pour le
spectateur, il faut accepter l'énorme incohérence qui justifie le
mauvais rêve [rejeter le film pour une contradiction -et ses petites
ramifications bâtardes- est légitime, mais c'est rater un déroulé
admirablement accompli]. Le jeu en vaut largement la chandelle, le
psychodrame vaut bien ces quelques sacrifices. On ne confierait pas
Nacho à des physiciens juniors, ils lui riraient sans doute au nez,
mais en revanche, on a toutes les raisons de surveiller ses
agissements. En espérant que les lumières américaines, sous
lesquelles il est censé réaliser son Gangland autour du
thème du jeu vidéo, n'annihilent rien du style puissant de ce jeune
cinéaste ibérique.
La bande-annonce est donc à votre disposition, mais il faut savoir qu'elle est passablement mauvaise : elle délivre beaucoup trop de détails du film (à défaut, vous vous en rendrez compte ensuite) et ne donne absolument pas envie (elle fait cheap quand le film fait totalement oublier sa condition + la musique sans ampleur, d'une tension derrickienne, est, rassurez-vous, absente du film). De préférence, ne vous y fiez pas (ou préférez vous arrêtez au terme de la 1re minute).
Los
Cronocrimines*** Acteurs*** Scénario**-* Dialogues**
Originalité*** Ambition**** Audace*** Esthétique*** Emotion***
Notoriété>6.500
sur IMDB ; 175 sur allociné
Votes
public>7.2 sur IMDB (tendance
+45-->-30=au plus jeune) ; France=6.5
(allociné)
Critiques
presse>USA : 6.8 (metacritic) ; UK
: 6.0 (screenrush)
5sur5
Altered States commence sur une expérience consistant en une
exploration du cerveau humain que le docteur Jessup, après l'avoir
mise en oeuvre sur 22 cobayes consentants, s'applique à lui-même,
assisté par un ami chercheur. Science expérimentale, atmosphère
forte, du genre lugubre, on songe, devant cette première séquence,
à Cronenberg, dont ce film serait un lien entre Scanners et
La Mouche [d'ailleurs, l'expérience s'opère dans une
cabine]. Un lien dissident cependant, encore plus désaxé et à la
trajectoire autre, plus métaphysique, donc désincarnée, quand le
cinéma du Cronenberg première époque ressemble davantage à du
naturalisme onirique.
Contrairement
aussi à ce dernier, la réalité du monde ne paraît pas aussi
éludée, ou plutôt, Altered States semble encore enraciné à
celle-ci, en tout cas au départ. Le monde sous nos yeux n'est pas
tant déconnecté [dans une ''bulle'', comme le sont Scanners
ou Videodrome], il est parallèle, presque souterrain et le
film donne la sensation de le saisir comme une entité incrustée là
[la mise en scène n'exclue pas, dans les séquences ''de vie'', des
détails rappelant à la réalité la plus triviale : nos héros sont
là, des éléments terre-à-terre peuvent traverser le plan]. Mais
ce contexte rationnel s'efface au profit de la quête de ''Vérité''
-clairement désignée comme telle- de Jessup : ainsi sa relation
avec son amante est présentée de façon particulièrement
synthétique, et le film privilégie les ellipses narratives.
Au-delà
du réel invite le spectateur à se fondre dans les recherches de
Jessup, et comme lui s'inscrit bientôt dans une démarche
autarcique, ne renvoyant et n'existant que pour elle-même. Jessup
élude ce qui l'entoure [il s'y accomplit, n'y est présent, que par
pure nécessité – on peut dire qu'il est ''asocial''], les
mouvements stériles du commun [professeur d'université, il se moque
de ce qu'un tel statut peut lui apporter], pour se consacrer à
triturer son psychisme en lui soumettant ses questionnements
existentiels. Il est fasciné par l'Esprit, par les élans religieux
et mystiques, c'est ce qui l'a fait s'intéresser à des cas frappés
de schizophrénie. Athée, il veut ''décrypter'' son être, élucider
son identité, en retrouvant ses premiers souvenirs, ses sentiments
originels. Son but est de découvrir l'hypothétique socle initial
sur lequel se fonde l'Humanité [la ''Vérité''].
Sous
ses dehors de série B naive, folle et déglinguée, Au-delà du réel
est une oeuvre qui bat sans relâche, philosophiquement abondante
[jusqu'à la pensée ''matérialiste'' de l'épouse de Jessup – on
peut trouver les dialogues ampoulés, cela n'est pas à exclure selon
sa sensibilité, mais ils ne sont jamais de trop et sont les premiers
contributaires de la toile introspective de l'ensemble] ; le film
peut sembler extrêmement fumiste, il l'est probablement dans sa
nature. C'est du cinéma psychédélique au sens ''littéral'' et
''moderne'' et il s'inscrit dans cette mouvance très 70's [The
Trip, etc.], ou certains auteurs se sont servis de l'écrin
cinématographique pour projeter leur visions mentales, peut-être
leurs scènes originelles, parfois se sont consacrés par là à une
thérapie. Il y a le trip visuel dans Au-delà du réel, halluciné
au sens premier, qui fait songer à une sorte de 2001 cheap,
riche et à l'imaginaire libéré [séquences kaléidoscopiques et
surréalistes] ; les effets spéciaux sont un bonus, pas si désuet
trois décennies après, tant les délires sont monstrueux, et les
monstres délirants. Cet aspect n'est pas [''que''] ludique, gratuit,
il trouve sa place en tant que complément -et c'est une posture
juste, la plus cohérente- : tout ce que dit Au-delà du réel est
tangible ; non seulement il trouve écho en nous, pourra plaire [pas
besoin d'avoir lu Kant pour les nuls, en tout cas pour saisir les
enjeux – prétendre l'inverse est sans doute un peu hypocrite],
mais est très solide dans sa démonstration, pleine, somme toute
assez carrée, mais encore ouverte.
Pas
de psychanalyse ici, ou ce n'est pas l'ingrédient premier, comme le
sont par exemple les délires de Jodorowsky [La Montagne Sacrée,
en voilà une thérapie d'auteur à l'écran – et toujours en
mouvement] ; c'est de la spéculation et un exercice de style autour
d'elle. Adulte et absolument premier degré [dans sa démarche en
tout cas], il est débarrassé de scories adolescentes qu'on pourrait
attendre sur un tel projet et parfois le tire vers le bas, d'autres
lui donnent toute son ampleur [prendre l'exemple très frais, sur un
thème plus sophistiqué, de The Invention of Lying]. Ken
Russell, dont la carrière est remplie de projets particulièrement
ambitieux (sur le papier en tout cas : un ''biopic'' de Franz Lizst
dans les 70's notamment) est, dans Au-delà du réel au moins
(Pinksataniste a des failles, n'a ni vu ''Tommy'', clippesque
paraît-il, ni ''Gothic'', outré a-t-on dit) un esthète,
assurément de la meilleure espèce : son matériau ''narratif'' se
confond dans la forme. C'est typiquement 70's là encore, spiritueux
et spirituel se rejoignent : c'est même un cap pour le film, et, pas
seulement un point de non-retour, mais un tremplin pour son héros :
le spiritueux est la caution du spirituel.
Donc,
Jessup étend bientôt ses expérimentations grâce à la drogue, son
but devient l'extériorisation d'un ''soi'' des origines. Les
aspirations se précisent, il s'agit de lever le voile sur les états
de consciences en nous, ceux qui nous guident, nous influent, sans
qu'on le sache, car il sont intégrés et abandonnés en ''soi''.
Dans sa quête, le docteur prend le risque de la régression [aussi
vecteur de tension, le film est construit, pas seulement ses
''méditations''] : lorsque, dans une escapade qui évoquera aux
amateurs de classiques old school du genre Le Loup-Garou de
Londres [l'un des meilleurs films sur le sujet, pourtant
surexploité], il est dans une perspective ou la ville est elle-même
''primitive''. Ce qui incluse des dangers et épreuves elles-mêmes
''primaires'' ; c'est le monde animal qui interprète ce rôle. La
ville n'est qu'un décors qu'il ignore – il n'y a aucun repère, il
n'est pas non plus un de ses rouages, elle ne signifie donc rien à
ses yeux, juste un terrain ou il évolue.
Qu'en
est-il finalement de l'essence humaine ? Il faut défricher son
passé, tout ce qu'il fait qu'elle n'est pas une copie blanche ou
issue du néant. Ou alors, ce qu'elle ''est'', c'est-à-dire ce
qu'elle a ajouté à ce néant initial. Sa réaction ou pensée
''immunitaire'' devant lui et la suite, soit la négation de ce
''néant'', par affirmation de l'Homme : voilà ce qu'est donc
l'essence humaine, en tout cas Jessup scrutera cette vérité, naive
et indubitable. La conclusion est relativement absurde, mais
aucunement lâche : la vérité ? Pas de Vérité ! Cependant, le
film ne s'arrête pas là, comme l'ont fait tant d'autres. Son
discours est même courageux, et éternellement valide. Il affirme,
c'est limpide, et c'est surtout tout à fait juste, qu'il n'y a de
vie que dans ce qui est transitoire. Tout ce qu'il y a de vérité,
ce serait la vie, bête et présente, seule, et tout s'effectuerait
par et pour elle. La Vérité, c'est celle de la construction, ou
plus précisément de la marche qu'une vie prend : il faut faire,
donc, et vivre. Et c'est logique : si on veut plus ''faire'', si on y
trouve plus d'attrait, nous n'avons plus de Vérité ; effectivement,
puisque la Vérité [de notre ''être''] n'est autre qu'une force,
qu'on possède, qu'on désire ou pas. Quand le film se referme sur
l'amour pour solution, pour remède aux tracas métaphysiques, on
pourrait ne pas bien comprendre, être encore plus égaré : mais ce
lien-là, d'une vie en activité à une autre, est celui de la Vérité
que choisit Jessup. Ce n'est pas la seule chose qui fait qu'il est
''dans la Vérité'', mais on ne peut omettre ses impulsions ; se les
ôter, c'est se vider. Jessup sort alors du flou, bien qu'il n'ait
jamais été aussi ignorant, que l'absolu n'ait jamais paru si
relatif et donc accessible, peut-être, en même temps que toujours (et toujours
plus) à déterminer.
4sur5
Sitôt qu'un créateur de mode ou un publicitaire passe derrière la
caméra, ce sont toujours les mêmes reproches : à l'instar, par
exemple -et dans un tout autre genre-, du The Cell de Tarsem Singh, A Single Man, premier
film du styliste Tom Ford, sera taxé de coquille vide à la beauté
froide. Argument aussi artificiel que ce qu'il est censé dénigré
[parce que, finalement, il se focalise plus encore sur la forme],
mais tant pis.
A
Single Man est un film du présent qui se déroule dans les 60's. Il
fait penser aux mélodrames de la grande tradition, sorte d'Eastwood
en mode chic, de Douglas Sirk en mode pop. Les icônes y sont,
les sosies de Bardot, de James Dean, on entend Gainsbourg, on n'y
voit que des gens bien habillés, des visages warholiens, des femmes
coiffées comme Deneuve ou Jackie Kennedy... Pourtant ce n'est pas un
catalogue fâné, c'est un retour vers le futur désenchanté, un
spleen idéalisé.
Le
spectacle du film, c'est Georges, l'homme du titre, l'homme
célibataire, l'homme au singulier. Georges a perdu son compagnon, il
s'agirait d'envisager à nouveau la vie. Mais Georges, ce Georges
qu'il ne fait qu'interpréter, las, sobre et sans doute résigné,
est déjà trop mort pour ça. D'ailleurs il joue avec le suicide,
c'est son véritable péché mignon, son petit quart-d'heure
d'égarement quotidien.
Le
film ne filtre plus que la beauté du quotidien. L'esthétisation
sublime l'émotion, le naturel s'introduit dans la pub à rallonge.
Il y a la vie grise et lisse de Georges, mais il y a aussi le parfum
de la dernière fois. Des dernières fois, que le personnage investi
mais sans allez jusqu'au bout de ses fantasmes, en tout cas sans les
valider dans le réel. Ceux-là appartiennent déjà au passé, il se
contentera des réminiscences, de savourer toutes les ébauches
parfaites.
A
Single Man**** Acteurs**** Scénario*** Dialogues***-*
Originalité***-* Ambition**** Audace*** Esthétique**** Emotion****
Notoriété>12.500
sur IMDB ; 850 sur allociné
Votes
public>7.8 sur IMDB (tendance
féminine) ; France : 6.8 (allociné)
Critiques
presse>USA : 7.7 (metacritic) ;
France : 6.5 (allociné) ; UK
: 7.3 (screenrush)
2sur5
Avec ses promesses de remettre au goût du jour un traitement de
l'horreur tellement 80's, le film à sketches
Trick'r Treat a suscité l'intérêt de foules endormies : il a
d'ailleurs déjà réjouit l'ensemble des amateurs du genre.
Pourtant, il y a de quoi s'interroger sur la réputation assez
élogieuse [carrément élogieuse même, côté spécialistes] de ce
direct-to-video, paraît-il, déjà culte. Beau pari certes, mais qui
a le tort de ne pas, ou si peu, surprendre son auditoire : il ne fait
que saupoudrer les poncifs du slasher par des artifices traditionnels occultés de l'horreur contemporaine [le générique en forme de comic-book, les vignettes allant jusqu'à s'incruster postérieurement dans le métrage], synthétisant sans ménagement l'esprit macabre et
l'humour douteux de masterpieces grandiloquentes tel la série Les
Contes de la Crypte ou le Creepshow
de Romero.
Le
''délire'' s'articule autour de la fête d'Halloween et le film ne
manque pas de citer le chef-d'oeuvre de Carpenter dans une intro
assez pauvre, entrée en matière plutôt vaine et opportuniste. Dans
la première demi-heure, Trick'r Treat répètera des petits motifs
générationnels : il faut caser la vieille fille effarouchée, gare
à l'autiste de service... Le tout flirte alors avec la comédie
''démonstrative'' et revêt des allures tout à fait lambda, mode
scabreux pour tout bonus. Puis la mécanique s'enclenche réellement
lorsque surgit l'évocation d'une légende urbaine. Trick'r Treat
s'engage alors vers des sentiers plus aventureux, d'ou émanent
quelques jolies séquences : une descente chez les maudits, une virée
chez un vieil acariâtre (personnage au potentiel sympathie énorme,
exploité à merveille) et surtout pour climax cette scène de
cauchemar au coin du feu sur Sweet Dreams du Reverend.
Mais
derrière ses guillerettes allures foraines, Trick'r Treat est
rachitique, sinon avare. Le scénario décousu, avec ses va-et-vient
entre intrigues, explose le temps narratif sans extraire quoi que ce
soit de cette opération : il recoupera toutes les histoires (quatre)
à la fin pour leurrer un caractère insolite quand, dans le fond,
tout cela est prévisible et assez conforme aux manies de la
concurrence. Cette volonté d'égarer en tissant une toile faussement
confuse [qui, on doit le présumer, incite à s'imaginer des zones
d'ombre en suspens] n'est pas une grande surprise lorsqu'on sait que
le réalisateur Michael Dougherty est le poulain de Bryan Singer, as
de la contrefaçon dont il a été scénariste pour X-Men
2 et Superman
returns. La technique et le
recyclage offraient mille et une voies, mais l'exercice de style,
bien que traversé de quelques fulgurances, agace surtout.
Naviguant souvent très près de l'escroquerie, Trick'r Treat ne
vaut pas tellement mieux que le récent Amusement, en dépit
d'une imagerie [mystérieux nabot à tête de citrouille, chaperon
rouge revanchard...], d'une mise en scène et même d'une
photographie plus élaborées.