PARANORMAL ACTIVITY [2/10]
1sur5 Nouvel héritier heureux du buzz salvateur, Paranormal Activity nous vient des Etats-Unis bardé de promesses dithyrambiques et d'étiquettes faramineuse, qui n'auront pour effet chez le spectateur avisé que d'inspirer une profonde méfiance à son égard. La bande-annonce française atteint ainsi des sommets de racolage, ce qui rend d'autant plus agaçant cette façon de croire aux forces suprêmes du « film de pauvre », capable de défier les grosses machines hollywoodiennes car plus authentique, plus apte à toucher une fibre intime chez son public.
L'ampleur du succès est quasiment sans précédent aux USA, renvoyant directement à celui du Projet Blair Witch, initiateur du genre dans lequel s'inscrit Paranormal Activity avec une sorte d'audace et de candeur auto-proclamée, déboulant un peu comme si rien n'avait existé avant elle et comme si elle s'apprêtait à rayer tous les quelques ''balbutiements'' du documenteur connus jusqu'à présent, affirmant le tournant d'un genre résolument contemporain.
Avec déjà plus de 100 millions de $ sur le seul sol américain pour un coût de quelques 11.000 $, Oren Peli réalise l'une des plus fructueuses opérations de l'histoire du cinéma, alors que sa sortie ne s'étendait au départ qu'à quelques 200 salles, soit presque rien du tout -pour des rentes moyenne par écran donc plus qu'extraordinaires-.
Bref, pas besoin d'épiloguer, c'est le film d'un anonyme concepteur de jeu vidéo qui fit d'abord fureur dans divers festivals. Paranormal ne compte pas plus de cinq acteurs, dont le couple-vedette, Katie et Micah, coeur de l'histoire donc, qui soupçonnant leur maison d'être hantée y installent une caméra infra-rouge. Peli joue sur l'aspect réel ''pur et dur'' de sa vidéo pour créer une confusion entre réalité et fiction, une incertitude chez un spectateur en proie aux doutes et se sentant ''forcément'' plus concerné par ce qu'il voit à l'écran, un procédé qui on le sait tous n'a rien de nouveau.
Outre l'ancêtre Cannibal Holocaust -encore une réflexion complaisante sur la violence complaisante-, outre aussi Blair Witch donc, la tendance du ''documenteur'' s'implante depuis quelques temps ; nous avons immédiatement en tête pour antécédents Cloverfield et [Rec], tous deux des réussites bien que ne révolutionnant pas le propos convenu s'ajoutant inévitablement au principe et censé interroger le spectateur sur lui-même tout en s'adressant à lui de façon plus viscérale. Film intéressant bien que redondant dans le premier cas [sorte de Guerre des Mondes à la sauce YouTube], sympathique et valant son pesant de pop-corn et de sursauts dans le second, au-delà de sa réussite formelle et de l'ambition de son écriture. Rien de géant, mais ces deux-là misaient sur l'inventivité et opérait des choix parmi les plus habiles.
C'est sans surprise que Paranormal Activity s'avère être un échec ; loin d'être à la hauteur annoncée naturellement, mais surtout loin d'apporter quoique ce soit à son genre ou au spectateur... Affirmer que rien ne se produit est un euphémisme ; ou plutôt, aucune découverte ici, puisqu'aucun contenu et aucune idée. PA n'est au fond que ce truc se faisant, mais en sourdine, putassier, donnant le sentiment au lambda d'un snuff movie qui lui serait enfin accessible. Et s'il n'est pas cela, alors c'est pire encore, c'est-à-dire rien qu'une somme de ''rien'' brassés là et là, recoupés entre eux. C'en est déprimant...
Plutôt que de les mêler -à l'instar de Cloverfield par exemple-, Paranormal propose deux films en un : celui d'un cinéaste improvisé comme un autre, d'un monsieur-tout-le-monde et sa fade mais sincère tranche -et vision- de vie, et le ''fond'' du film, son concept-même -qui fait tenir le film debout à lui tout seul, constitue sa simple raison d'être-, celui qui doit faire sa force, c'est-à-dire l'atout frayeur.
Afin, naturellement, de s'inscrire dans son époque et d'imposer de façon irrévocable son effet de réel, PA plonge logiquement dans l'écueil de la normalité la plus fade du monde, comme pour nous assurer qu'on est là en présence de ''gens vrais'' et qu'ici la tricherie est bannie. Nous passons aux choses sérieuses après une intro interminable [d'à peine un quart-d'heure pourtant, mais quart-d'heure digne de Next ou cette émission qui érige Paris Hilton en produit et fin en soi] avec l'entrée du medium Dr Friedrich [lequel se prénomme ainsi également dans la réalité ; tremblez, doutez !!], à qui les pensionnaires [des autochtones rustres-d'autres individus que nous-même quoi !] raconte leurs expériences.
Roulement
de tambour, l'heure est grave ! Mr Ghostbuster répond à ses hôtes
en brandissant ses théories ésotériques pour fans de La soirée
de l'étrange sur TF1. On a alors le sentiment d'assister à un
programme-test destiné à une quelconque chaîne TV pour une heure
de grande écoute -Super Nanny ne faisant plus recette, la relève
est assurée-. Le film évoluera dans ce sens avec une peur
''progressive'', un cameraman qui ne s'inquiète jamais et sa copine
de plus en plus angoissée...
Le
désespoir surgit rapidement, malgré la meilleure volonté du monde.
PA suit toutes les étapes attendues et refuse toute participation de
l'imagination... A croire qu'entre ceux qui croient au Père Noël et
ceux qui n'y croient pas, ceux qui demandent à y croire ne trouvent
pas d'écho. Une trame minable érige PA en ''objet filmique''. Ou
Derrick investissant le giallo !
Grosse arnaque évidemment, mais, plus grave, oeuvre infiniment prétentieuse, Paranormal Activity est en ce sens un cas d'école. Le produit d'un ''mec'' et de quelques proches persuadés de tenir une idée de génie, certains aussi de savoir brasser dans le déjà-vu, déjà-éprouvé et déjà-éprouvant tout en aboutissant à un résultat original et novateur. Ignorant tout second degré, toute forme d'audace, toute ironie ou toute idée, ne croyant pas une seconde à la force de l'écriture, Peli s'en remet au talent de ses acteurs et à l'instinct, n'ayant en tête que son but formel. Comme son personnage, le réalisateur espère toucher de l'or, croit que du néant peut sortir quelque chose de sensationnel, alors que derrière ou autour de ce néant, rien ne se cache, et le si peu qui s'y dessine est emprunté par défaut.
Ainsi, l'efficacité ne survient que lors des dernières minutes, qui vous assènent une de ces crises de fous rires à défier celles éprouvées devant 300, tout en vous offensant ; ce dont il ne faut surtout pas avoir peur, c'est du ridicule, et le contempler à ce point limite, cela pourrait, plus que vous empêcher de dormir, vous tuer !
Etriqué dans sa petite logique d'esbroufe fuyante, PA n'est qu'une somme d'anesthésiant. Dans ce cas, difficile d'y croire une seule seconde, de prendre en compte des enjeux aussi tracés et une tension aussi calculée ; la peur censée arriver pas à pas ne survient jamais, ni même notre intérêt pour un programme ayant fait le choix d'un scénario bloqué sur cette seule trame ; y-a-t-il, ou n'-y-a-t-il pas un ''esprit'' dans cette maison, pourquoi cette porte claque-t-elle, pourquoi re-claque-t-elle encore, pourquoi les robinets sont-ils ouverts et la lumière de la cuisine allumée... On peine à faire un vide suffisant en nous pour accueillir celui-ci...
On se demande alors qui est le plus con dans l'histoire : nous, dindons de la farce, ou les concepteurs de ce machin, dont la criante visée du statut de film-culte réduit à néant toute la bonne volonté d'un brave spectateur prêt à croire en tout et n'importe-quoi, alors qu'il n'assiste en fait qu'à une succession d'événements minimalistes -censément effrayants parce que sans artifice, alors que seuls les acteurs sont là pour souligner, surligner et faire part de ces étrangetés trop dérisoires- révélant bientôt la vraie nature de ce Paranormal Activity : la connerie abyssale, celle qui ne demande rien d'autre qu'à se suffire à elle-même.
Au
final, ce film n'est qu'une nouvelle façon de faire plus aisément
digérer les clichés et écueils du genre tout
en donnant prétexte à leur énième emploi, maquillant la démarche
par une forme épatante. Sauf que cette fois, Paranormal Activity
pousse le bouchon beaucoup plus loin, en ne se reposant que sur eux
-ces clichés- et sa confiance inébranlable en son petit stratagème
fanfaron, ainsi qu'en la crédulité d'un public dont Hollywood a
compris qu'il réclame de la ''trouille'' authentique, réaliste et
sans effets spéciaux. Entre nous, est-ce que le spectacle de fin
d'années de vos enfants, neveux ou cousins, celui qui parle d'une
passionnante histoire de dragon, de prince et de princesse, vous
passionne-t-il davantage qu'un banal blockbuster, y trouvez-vous
réellement un intérêt, dans la forme ou même dans le fond, plus
conséquent qu'à ce dernier ?
Pseudo-retournement de situation dont le spectateur n'a pas fini de faire les frais... Le film du pauvre, dans sa technique mais aussi et surtout -pour dire vrai- dans ses ambitions scénaristiques et thématiques, vendu comme gage de qualité et d'efficacité ; qui sait, branchez votre webcam, un-truc-chelou pourraît se manifester dans votre dos, et ça, c'est quand même plus flippant qu'un épisode de Medium ! Paranormal Activity, ou la face obscure de YouTube...
Paranormal Activity = 1sur5 Acteurs>3/5. Scénario>0-1/5. Dialogues>2/5. Originalité>0-1/5. Audace>0-1/5. Ambition/Intelligence du propos>0-1/5. Emotion>1/5.
Réalisé par Oren Peli. Documenteur/Epouvante (USA, 2007). Avec Katie Featherston, Micah Sloat. 1h26. Sortie USA en octobre 2009. Sortie France le 2.12.2009. Bientôt en DVD, et puisque c'est un travail ''indépendant'' -donc libéré, n'est ce pas-, cela va sans dire que vous devez vous précipiter dessus afin de montrer à Hollywood que vous réclamez le respect, et une marchandise de qualité !
Notoriété>28.195 votes sur IMDB ; 1.220 notes sur AlloCiné
Votes du public>7.0/10 sur IMDB [ah...merde] ; 1.6/4 sur AlloCiné [53% de 0 et 1 ; 34% de 3 et 4]
Critiques presse>1.7/4 selon AlloCiné
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