THE PLEDGE ***
3sur5 L'intro évoque un sentiment de fin, un monde se refermant tranquillement et docilement sur lui-même, broyant sur son passage la liberté morale d'un inspecteur assidu jusque-là, sur le départ à présent. C'est un homme paisible en surface, lucide sur son compte, sur le temps révolu et la générosité limitée de celui qui s'écoulera désormais. Sauf qu'à chaque moment de bascule, c'est le re-départ éternel et Jerry Black reprend son combat entêtant, celui consistant à mettre un visage sur le péché. Pris à parti par la mère d'une trop jeune victime qui le fait jurer sur le salut de son âme, il mènera l'enquête à son terme.
Il y a quelque chose d'élémentaire dans The Pledge. Parce que l'argument ''un flic sur la retraite reprenant une enquête qui le poursuivra jusqu'à son dernier souffle'' correspond à l'une des données les plus définitivement vétustes de tout un genre depuis Se7en. Elémentaire aussi parce que le film est d'une simplicité revendiquée, presque confondante et qu'en allant fouler des sentiers mille fois battus, il porte en lui toute la tristesse du monde, que ses digressions vers le conte désenchanté [il y a ici le parfum doux et impur d'une Nuit du Chasseur] allègent de sa noirceur flambante. Pas question de tromper cette vérité, simplement de diluer sa dureté avec un regard sec et bienveillant.
Sean Penn aime à plonger dans l'intensité d'un instant et saisit les détails qui rendront sa photo pareille à aucune autre. Sublimant l'imperméable et désuet enfer glacé [au-delà de la carte postale de l'expressif thriller new-age aux ressorts surannés façon Insomnia], sa mise en scène est naturaliste et esthétisante. L'évocation triviale et gracieuse d'une Amérique en crise semble hors du temps, hors de la civilisation aussi. Penn recherche le temps suspendu pour y exprimer le fantasme d'une pleine et sereine harmonie avec la Nature ; il le concrétise lorsque le personnage de Nicholson entame son séjour puis s'installe pour l'éternité. Mais soumis à sa quête cruelle et sournoise, ce dernier ne peut soutenir l'équilibre tenant à distance la Mal qui le taraude et envenime ses pensées. Sa moralité passe de l'état de moteur à obsession néfaste.
Dépourvu de tous ses tics grandiloquents, à mille lieux de ses attitudes outrancières de Batman ou Mars Attacks !, Nicholson est si méconnaissable que sa performance déroute comme rarement. A l'instar de DeNiro ou Pacino, il trouble par cette façon d'investir physiquement ses personnages, de prêter son corps à leur turpitude en donnant l'illusion que la prestation hallucinée, fondue dans un décors à laquelle elle donne paradoxalement tout son relief, n'est que le fruit d'une balade sans effort. Cette force tranquille aux saillies ténébreuses achève la logique de ce film de facture classique mais à l'impact puissant.
The Pledge*** (7/10) Acteurs***-* Scénario**-* Dialogues*** Originalité** Ambition*** Audace*** Esthétique*** Emotion***
Notoriété>22.000 sur IMDB ; 1.300 sur allociné
Votes public>6.9 sur IMDB (tendance masculine, 30+ et non-US) ; France : 6.8 (allociné)
Critiques presse>USA : 7.1 (metacritic) ; USA : 5.7 sur metacritic ; France : 7.3 (allociné)
Note
globale selon Cinemagora → 6.9 (3/5)
Sean Penn réalisateur... Into the Wild
Jack Nicholson... Vol au-dessus d'un nid de coucou + Shining + Batman + Mars Attacks !
R.W.Penn... Les Vies Privées de Pippa Lee
Serial killer... Kalifornia + Saw + Intraçable + Surveillance + Bloody Bird + Tueurs Nés + L'Oiseau au Plumage de Cristal
2001... Ce que veulent les femmes + Ring (original nippon) + L'Age de Glace + Millennium Actress