JE SUIS UNE LEGENDE *
1sur5 Mirage de bonnes intentions, l'adaptation enfin aboutie du roman-culte de Richard Matheson I am legend, dont l'héritage n'aura été prégnant que dans les libres-adaptations de Romero [le cinéaste à zombies], est une sorte de catalogue de visions de l'apocalypse selon Hollywood. En temps de vaches maigres de surcroît.
Dans un premier temps, le film se concentre exclusivement sur le dernier résident d'un New York vide, prétexte à de jolies visions d'un Will Smith seul au milieu des ruines du monde contemporain. Pour compenser avec les risques encourus d'un parti-pris si casse-gueule que celui d'abandonner la caméra au vide et au silence, des efforts accrus sont concentrés autour du versant ''intimiste''. Au-delà de la présence opportune d'un brave compagnon aux côtés de Smith, la pellicule se laisse submerger par des flashbacks réitérant à la mémoire du héros l'ultime soirée d'avant-chaos.
Le geste est aussi balourd que disneyen ; dommage, car le film s'avance vers la bonne voie lorsqu'il nous permet d'assister à la fabrique d'auto-mythologie opérée par son dernier survivant. A la façon d'un vieillard qui se parlerait à lui-même pour ressasser les mêmes idées clarifiantes, lui simule sans conviction d'être l'acteur d'une vie parallèle qu'il mettrait en scène au seule moyen d'une imagination stimulée par des besoins immédiats.
Mais il n'y a aucun enjeu là-dedans. Cet espèce de condensé biblique ampoulé et esthétisant, dont le lyrisme s'abîme dans l'obstination à étirer une seule et même scène originelle, ne fait qu'emprunter la silhouette high-tech de ses références. On regretterait presque que pour authentifier la sincéritude de leur démarche, les studios aient pris la peine de payer des droits d'adaptation. Car à quoi bon se fournir une caution si le but n'est que d'en lobotimiser les arguments à destination d'un public de non-initié lequel, stupéfié par l'originalité d'un tel concept, ne percevra même pas les pseudo-nuances (quand les amateurs du cinéma et de la culture dans laquelle Je suis une légende prétend s'inscrire seront eux déçus d'un compte-rendu aussi pauvre et schématique) détournées pour simuler une veine auteurisante. Des infectés notamment, rien n'est évoqué de plus profond que leur aspect monstrueux ; ce sont juste de grognons et suintants mutants de jeu vidéo, d'ailleurs leur allure n'effraie pas notre héros blessé mais déterminé, manifestement peu au fait lui aussi de leur éventuel vampirisme, plus encore de leur portée politique.
Dans son dernier tiers, le film s'enfonce dans le prêchi-prêcha et la bêtise de sa parabole en devient presque gênante. Lorsqu'il tente de restaurer la culture mainstream de l'ère 1945-2001 et en dresse la synthèse, Will Smith fournit presque matière à ne rien regretter d'un monde aussi étriqué et infantilisant. Pire encore que de ludiques brèves de comptoirs, c'est de l'humanisme de salon de coiffure envoyé dans un gant de velours. Les naives écovations du dense et (parfois) nébuleux 28 jours plus tard, jamais sentencieuses, touchaient aux ''vérités de l'âme humaine'' bien plus aisément, quand ici on ne récupère que leur lacrymal profil en carton.
Stylé dans son domaine, le tâcheron Francis Lawrence serait-il appelé, après le non moins interminable Constantine, à devenir le nouveau Roland Emmerich ? Son vernis branchouillé officiera en tant que nuance. A moins que Lawrence se décide à exploiter le potentiel des univers qui lui sont confiés. Dans ses deux premières productions, l'esquisse en ouverture sait tendre des promesses autrement intéressantes que les creuses conclusions des fanfaronnes bagatelles vers lesquelles il se détourne bien vite.
I Am Legend* Acteurs** Scénario* Dialogues* Originalité** Ambition** Audace* Esthétique** Emotion*
Notoriété>150.000 sur IMDB (gargantuesque) ; 12.000 sur allociné (très fort)
Votes public>7.1 sur IMDB (tendance +âgé-->+jeune ; légère US) ; USA : 6.9 (metacritic) ; France : 7.0 (allociné)
Critiques presse>USA : 6.5 (metacritic) ; UK : 6.0 (screenrush) ; France : 5.3 (allociné)
Note globale selon Cinemagora → 6.7 (3/5)
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