TOY STORY, LA SAGA ***
A l'occasion de la sortie de Toy Story 3, cet article propose de passer en revue l'intégralité de la saga. Ce genre de dispositions est une première pour ce Blog mais est appelé à devenir fréquent (ce sera le cas pour des franchises comme Harry Potter, Le seigneur des anneaux, Vendredi 13 (….) et peut-être également l'occasion de réunir plusieurs Pixars).
Parce qu'il est le premier long-métrage entièrement réalisé en images de synthèse, Toy Story est une date importante pour le cinéma de façon générale. Joli coup, assez définitif en son genre, mais pas l'assurance de traverser le temps sans dommages. Pourtant, quinze ans plus tard, tout fonctionne parfaitement ; ce n'est pas tant la technique irréprochable qu'on a retenu, mais surtout l'exploit de réussir à rendre des jouets aussi ''vivants'' et donc attachants. Car ces personnages ont une âme, une histoire, sauf peut-être Buzz l'éclair.
Et pour cause : lorsque celui-ci débarque parmi une corporation de Mr Patate ou Rex le Dino tayloristes, leur leader charismatique et officieux, le cow-boy Woody s'inquiète de se voir voler la vedette auprès d'Andy, le jeune garçon dont il est au service avec ses camarades. Le drôlissime Ranger de l'espace, contrairement à eux, vient juste d'éclore à la vie, mais est bien le seul à n'avoir aucune conscience de sa condition de jouet, ni que ses pouvoirs ne sont que purs artifices.
Toy Story s'intéresse tout particulièrement à ces deux figures et leur antagonie, pour les réunir via un principe qui jusque-là n'avait jamais été juxtaposé dans un film d'animation : le buddy-movie, que L'Arme Fatale et consorts avaient popularisés précédemment au sein du cinéma traditionnel. Le procédé fait des merveilles.
Véritable cadeau de Noël transgénérationnel, Toy Story met en scène les miniatures de la pop culture et détourne les codes d'un cinéma adulte pour un résultat ludique et intelligent, à mille lieux de ce que la toute-puissante maison Disney, au bord du déclin, propose de son côté. Celle-ci est cependant productrice, mais sinon quelque intermède musicaux mielleux, son emprise ne se fait guère sentir. Cette capacité à rompre avec le manichéisme en parvenant à emmener avec soi un large public est même un beau pied-de-nez. Il faut aussi saluer l'audace réelle de l'équipe de John Lasseter, car le produit de leurs efforts osera provoquer quelques frayeurs aux enfants ; la cruauté, notion du réel, existe ici, illustrée par Sid le gamin sadique et ses méfaits [Disney n'a pas investi pareil terrain depuis, pour faire simple, Blanche-Neige en 1938 -les encarts quasi horrifiques avec la reine-mère]. Elles seront naturellement sans conséquences, mais attestent de la volonté des studios naissants d'ouvrir les yeux au plus jeunes public sur des réalités qu'ils côtoient par un prisme pédagogue.
Démarrage en trombe pour les créateurs de Pixar, appelés à s'imposer rapidement comme les champions du monde ''effectifs'' de l'animation.
Toy Story*** Notoriété>150.000 sur IMBD ; 9.000 sur allociné
Votes public>8.2 sur IMDB (148e du top250 – légère tendance US) ; USA : 8.8 (metacritic) ; France : 8.8 (allociné)
Critiques presse>USA : 9.2 (metacritic)
Note globale selon Cinemagora → 8.5
Pas de véritables changements dans Toy Story 2. Meilleur ou pas, ce n'est pas tant la question, il s'avère simplement que cette suite, en développant les pistes que le premier opus avait déjà engagées, est une consécration. Woody est volé par un vieux geek quarantenaire lors d'un vide-grenier. Passionné, mais intéressé aussi : le malotru a capturé le cow-boy pour achever une collection qu'il compte vendre à un musée. C'est l'occasion pour celui-ci de découvrir son ancien statut de star et le point de départ d'un road-movie pour ses compagnons lancés à sa recherche.
Ce come-back parvient à créer un équilibre entre la nécessité de répondre aux attentes d'un public charmé [et de fait, beaucoup plus exigeant] et profusion accomplie : en somme, notre curiosité est satisfaite et c'est un comble, toutes les greffes fonctionnent. Moins dans la chanson [un seul passage, désuet, le moins chargé d'émotion de tout le film pour des adultes ou adolescents sitôt désimpliqués], plus dans l'action : grâce à un lot de péripéties débridées [la traversée de l'avenue, un classique instantané ; la scène d'intro mettant en scène Buzz dans un jeu vidéo, d'une ampleur esthétique sidérante], de nouveaux personnages hauts-en-couleur, un perfectionnisme qui jamais ne vient entraver la fluidité du mouvement [chaque détail intègre l'histoire, aucune place ici pour les gimmicks sans lendemain], le rythme ne se relâche jamais.
Les adultes trouveront de toute façon leur compte [évidemment !], d'ailleurs certaines répliques s'adressent à eux. Nombre de courts instants renvoient à de ''vrais films'' en utilisant avec brio et surtout humour leurs mécanismes ; avant l'ouragan Shrek, Pixar recycle la culture américaine et ses références [celle des années 50 en particulier], moins dans l'intention de tourner en dérision que de faire cohabiter des influences diverses. C'est sans doute à cela que pourrait se résumer Toy Story : une sorte de carrefour d'héritages mainstream en même temps que celui des genres et des générations.
On peut se contenter de dire que Pixar ''a rempli son contrat'', mais rares sont les mastodontes à témoigner d'une telle ambition et à déployer autant de créativité dans ce qu'ils entreprennent. Le ''blockbuster'' délivré fait preuve d'une délicatesse inouie, à la lisière entre une conception du cinéma presque primitive et d'un véritable renouveau pour l'animation [techniquement bien sûr, mais aussi par l'usage de cameo -le ''nettoyeur'' tiré du court Le joueur d'échecs-, d'un générique de tournage -idée reprise dans Monstres & Cie- ; surtout, l'image, le gag, le hic, tout s'offre à plus d'un degré]. Même si elle est claire et de bon ton à propos de l'amitié fidèle qui vaut plus que tout, il n'y a pas de morale systématiquement rabattue ; Toy Story (le 2 autant que le 1) survole tous les passages obligés, avec, le plus souvent, l'initiative de s'en servir comme de tremplin [parfois, comme lorsqu'un vieillard estampillé Far West s'en prend à une Barbie outrageusement maquillé, le film approche -même si pour de faux- des terrains interdits au jeune public -parce que les adultes pourront voir ces détails autrement, deviner sur quelles réalités ils se construisent ; et apprécier, d'autant plus, le tact des animateurs]. Aussi, comme on aime, de temps en temps et lorsque c'est bien fait, tout est bien qui finit bien : la preuve, on y trouve [presque] rien à redire.
Toy Story 2*** Notoriété>115.000 sur IMDB ; 6.000 sur allociné
Votes public>8.0 sur IMDB (228e du top250) ; USA : 8.8 (metacritic) ; France : 8.8 (allociné)
Critiques presse>USA : 8.8 (metacritic) ; France : 8.3 (allociné)
Note globale selon Cinemagora → 8.3
4sur5 L'animation en général et Pixar en particulier ont démontrés au cours de la décennie écoulée que le genre valait davantage que l'étiquette de propriété privée des cinéphages puérils qu'on lui attribuait depuis, au moins, trois décennies. Ou peut-être qu'elle ne la valait plus, la faute à tant de démonstrations qui furent autant de démentis à cet adage. Dix ans après le plébiscite historique et total de Toy Story 2 [on frôle la note absolue dans la critique américaine ; en son temps, le film est le second plus gros succès de l'histoire de l'animation derrière Le Roi Lion], Pixar décide des retrouvailles. Alors que le tandem Wall-E/Là-Haut vient de marquer l'apogée des studios, ce retour aux sources est, mais on s'en doutait, un nouveau triomphe de leur part.
Il était légitime de redouter que la saga s'épuise, mais John Lasseter [mr.Pixar], Lee Unkrich [le réalisateur, co-réal du 2] & cie ont su mettre en oeuvre la meilleure option qui s'offrait à eux : assumer le temps écoulé. Andy, comme le jeune public de l'époque, a vieilli : à 17 ans, il s'apprête à partir pour l'université. Panique chez les ouvriers de son enfance, apparemment destinés à rejoindre les antiquités du grenier, peut-être même menacés d'atterrir dans le sac poubelle. Seul Woody, le cow-boy, conserve encore toute l'estime de son maître qui projette de l'emmener avec lui.
Il se retrouve bientôt avec ses camarades débarqué dans une garderie aux atours enchanteurs [la raison à cette manie de triturer l'intrigue en tous sens sans jamais la perdre]. Dès lors, après un démarrage en douceur consistant à la mise en point, TS3 s'envole. On peut penser que comme les deux premiers opus, celui-ci n'a pas la profondeur des sommets tout frais de Pixar, mais cette vitesse ininterrompue et cette fluidité des péripéties qui font le bonheur du spectateur doivent beaucoup, encore une fois, à un scénario manifestement établi par des perfectionnistes : rien n'y est jamais de trop, rien ne traîne, rien ne heurte, tout est d'une cohérence exemplaire. Arrimé sur une volonté d'universalité, il est pertinent et ne fait ressentir, malgré cette ouverture si prononcée, aucun manque : le film évoque des thèmes comme la filiation ou la peur de l'abandon, de la rupture sans jamais une once de mièvrerie. D'ailleurs, de plus en plus audacieux et adulte, Pixar livre un opus plus sombre que les précédents ; et au cas ou on en doutait, nous saurons à quel point ces jouets risquent de nous manquer [séquence de la décharge, puissant climax].
Ce
qui rend ce Toy Story 3, de la même façon que ses prédécesseurs,
aussi captivant, c'est cette façon de sans cesse renouveler, dans
une logique autant de prolongation du plaisir que d'amplification [et
les deux se justifient] : Buzz, Woody, désormais tous les jouets se
heurtent aux limites de leur individualité ; la virée qui détourne
les codes du thriller parano et film carcéral, de mafia ou
même guerrier ; nouveaux personnages très étudiés, scènes phares
-comme celle d'intro- révisées. Le pastiche comme les petites et
grandes lignes gagnent à chaque fois un peu plus en épaisseur.
Bref, Pixar traverse tout quand les autres ne tiennent jamais sur la
longueur ; le seul doute est pour la suite, mais en attendant un
improbable Cars 2, les sceptiques peuvent se rassurer :
l'échéance a encore été repoussée.
Toy Story 3*** Notoriété>50.000 sur IMDB ; 3.000 sur allociné
Votes public>9.0 sur IMDB (10e du top250 ! - légère tendance US & féminine) ; USA : 9.6 (metacritic) ; France : 9.0 (allociné)
Critiques presse>USA : 9.2 (metacritic) ; France : 9.4 (allociné) ; UK : 9.4 (screenrush)
Note globale selon Cinemagora → 9.1
En salles au moment de la publication