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New PS - Sympathy for the Grotesque
9 juin 2010

CANNES 2010 : UNE PALME QUI FAIT DU BRUIT (UN PEU), DES FAUVES QUI SE DECHAINENT (BEAUCOUP)

cannes_booOn a peut-être estimé un peu trop vite que l'attribution de la présidence du jury cannois à un personnage à l'univers ''si'' affirmé changerait la donne. A l'arrivée, la remise des récompenses semble avoir réservée peu de surprises, le festival désignant des vainqueurs peu connus du grand-public ou appelés à le rester, attisant peu la curiosité du cinéphage moyen de surcroît. Après avoir réalisé son film le moins personnel, Tim Burton aurait-il sacrifié l'indépendance de sa marque de fabrique, se serait-il résigné à galvauder les tics de son label pour ne devenir qu'un ponte comme un autre, dont l'aura ne jouirait que des restes flamboyants de masterpieces d'antan ?

 

Quelque chose étonne dans ce palmarès pourtant, et l'élément qui se distingue est loin de concerner un aspect mineur : la grosse surprise, la seule, c'est celle Palme ! Attribuée à un cinéaste thailandais [Apichatpong Weerasethaku] pour son Oncle Boonmee, celle-ci a de particulier, au-delà de tromper toutes les prévisions et d'avoir divisés les festivaliers, d'atterir entre les mains d'un cinéaste aux parti-pris déroutant, volontiers enclin aux accès de contemplation. Première aux mains d'un cinéaste de cette nationalité, cette Palme serait aussi celle, en quelque sorte, d'un certain cinéma fantastique asiatique, dont on sait combien l'identité est affirmée.

 

Ce choix n'est au fond pas si incongru, le jury de Burton s'étant arrêté sur une oeuvre lorgnant allègrement, paraît-il, vers le fantastique. Or, depuis la création du Festival, quid du fantastique chez les palmés ? Le quasi néant total, tout au plus peut-on rapprocher quelques-uns du genre, comme Sailor & Lula (1991) pour ses quelques incartades, mais plutôt pour son atmosphère et son registre que les indications de sa fiche technique. Bonne nouvelle peut-être pour tout un genre qui, non pas qu'il manque tant de reconnaissance, est souvent envisagé parmi les restes, relégué à l'arrière-plan, par une certaine intelligencia institutionnelle.

 

Sauf que depuis l'annonce du verdict, la presse et le Net se déchaînent en relayant les passions des festivaliers ou critiques plus ou moins officielles. Chacun saisit l'occasion d'affirmer un point de vue tranché et la politique de la maison par la même occasion : les échos évoquent aussi bien une étape quasi-expérimentale qu'un monument abscons et factice.

 

Evidemment, le film en lui-même est un moindre objet de débat que ce qu'il est censé représenter. Or, au-delà du fait que ce genre de conclusions définitives soient totalement incongrues sinon déplacées au sortir d'une séance, l'essentiel du public n'en sait rien, de ce que cette Palme porte en elle de promesses. Alors l'idée de voir cet Oncle Boonmee, forcément, en devient stimulante. En oubliant qu'il ne peut et ne devrait être que géant ou estropié, nouveau ou radoteur, on se permettrait même, si on avait de la chance, d'y trouver quelque chose à dire ou à redire, plutôt que de s'en servir comme gage ou non d'une cinéphilie prétendument exigeante ou crânement roturière.

 

Le Figaro, lui, a tranché. Ses envoyés spéciaux n'ont pas vraiment d'arguments à vous fournir, sinon que la Palme 2010 figure parmi leur Top 5 des « navets » de la dernière saison cannoise. Les journalistes justifient leurs choix par des arguments d'autorité comme on en trouvera partout sur le Net, notamment sur les sites spécialisés soumis à un public chérissant coûte que coûte sa liberté d'expression, quitte à lui ôter tout son sens [type allociné, bien sûr ; mais également parmi le dédales de blogs ''consacré à''...].

 

C'est nul, c'est chiant, à un moment y a un truc con j'te raconte pas, on se demande  vraiment quels sont les imbéciles pour aimer ça, on voit pas ou ça veut venir, c'est volontairement bizarre et compliqué, moi j'trouve que c'est vraiment les blagues du service public, j's'rai parti faire quinze pause cacas pendant la séance toute façon c'était pareil, mais le truc tu vois c'est que c'est un peu comme la neige en été, en même temps de la part d'un tel sagouin ça m'étonne pas, autant rester à la maison...

 

Sidérante, cette critique officielle fière désormais de brandir son mépris de l'art, des recherches ou tentatives de nouvelles formes cinégéniques, de tout écart du circuit mainstream... C'est presque trop beau, ces caricatures si prononcées, ces trolls publics. Dans le ''fond'', ces ''critiques'' sont-elles aussi odieuses que bêtes, sincères et méchantes, ou bien ces attaques d'une bassesse inouie participent d'un geste éthique et ''politique'' ? Peut-être que cette presse généraliste fait mal de se mêler en permanence de culture, pour ramener dans son giron étriqué des compte-rendus pétris d'a-priori... Au fond, un top 5 de ''nanars de Cannes'' quasi exclusivement constitué de films asiatiques, dont certains signés par des ''maîtres'' avérés, et ou seul Godard vient représenter la France, de la part d'une presse populo, c'est d'une normalité absolue. Eux disent ''comprend rien, rien à foutre'', prenons ça comme un ''chacun son monde'', ça conforte un ordre qu'on préfère assumer.

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Commentaires
P
Brazil assume à fond un côté "potache", qui forcément a les défauts de ses qualités. C'est sans doute la presse la plus expéditive et les critiques n'y reposent pas sur des jugements pertinents ; elles sont trop "adolescentes", la plupart du temps, pour être prises au sérieux. Les articles ou chroniques peuvent être intéressants ; néanmoins c'est sans doute le dernier magazine ciné auquel se fier pour être éclairé sur un film à l'affiche. Certains aimeront dire qu'ils ne lisent que "Brazil" et "Mad Movies" pour montrer leur mépris de la presse ciné "traditionnelle", mais Brazil est à l'arrivée très conformiste, quand MM est beaucoup plus ouvert et "passionné".
M
Ce n’est pas du clivage, cible ou pas, de dire que l’on n’aime pas une chose par rapport à une autre (en gros on fait ça toute la journée en parlant des films, en les comparant, en les jugeant, etc.), c’est peut-être d’abord une question de sensibilité (je préfère le bleu au rouge, tu préfères Spielberg à Dany Boon, ils préfèrent l’impressionnisme au cubisme…) avant que ça devienne ou soit transformé en généralité(s).<br /> <br /> Et puis j’insiste (lourdement ?) : Studio Ciné Live est abyssal et tiède, mais c’est mon point de vue, hein, pas une tentative de rabaisser leur lectorat, je m’y plonge aussi de temps en temps (comme je lis aussi Mad movies, Première, Brazil, … ; je prends là où il y a). Je sépare juste le bon grain de l’ivraie, rien de sectaire là-dedans (pas mon genre), mais une question de choix personnel. La presse ciné est désormais à chier, j’insiste encore. Je me permets de la «juger» ainsi parce que ça fait pratiquement 20 ans que je la lis (je ne dis pas ça pour la ramener, mais c’est un fait) et que le niveau, en 20 ans, a largement baissé (crise, Internet, etc.).
F
Personnellement je lis autant Première que Les Cahiers, Studio ciné live, Mad Movies, les Inrocks, Brazil... je ne pense pas faire ni d'élitisme critique, ni de branchouillerie mal placé, pas mon truc.<br /> Il y a beaucoup plus de critiques expéditives et dénuées d'arguments dans Brazil, par exemple, que dans Première...<br /> <br /> Effectivement certains titres sont plus informatifs, d'autres plus analytiques, l'intérêt, pour moi est d'en lire le plus possible et ensuite de me faire une idée par moi même après avoir tout digéré et oublié.<br /> <br /> Mais en tous cas, sans stigmatiser aucun titre, ce genre de critique, qu'elles viennent du Figaro ou des Inrocks sont indignent... et je ne connais pas un seul mag en France qui n'emploie pas ce genre de méthode, pas même les cahiers qui se permettent chaque mois de descendre des films en 10 lignes sans aucun effort argumentaire...<br /> Quand aux blogs ils n'échappent malheureusement pas plus à cette tendance.<br /> En même temps, démolir une merde en 1à lignes, c'est aussi humain, après tout...<br /> Mais bon, quand les choses sont sur papier ou captées par une caméra, ça fait quand même un peu mal au cul...
P
à FOXART ; J'en ai vu un sur Télérama. Je ne nie pas les qualités des journalistes des Inrocks, mais les prises de position de ce titre de presse donnent souvent l'impression que la politique de la maison y est hyper psychorigide. Je n'en fait pas une généralité, néanmoins leur façon d'encenser ou de défenestrer est parfois tout à fait convenue, les cibles faciles et prévisible ; je trouve que derrière ses pauses branchouilles, c'est un magazine parfois très scolaire. Bien sur, je les lis toujours, parfois..<br /> Je vois que nous sommes parfaitement d'accord, parler de "poujadisme" me paraît tout à fait approprié.<br /> <br /> à MYMP : Attention aux généralités effectivement, dans le doute j'ai tout à fait envie de te croire. Je ne dirais pas que Studio est d'un niveau abyssal, mais que leur traitement au cas par cas est souvent très simpliste et qu'il leur arrive de passer à côté de l'essentiel. Néanmoins leurs critiques sont plus que décentes, il y a des dossiers plutôt honnêtes, mais le cinéma en lui-même passe après... Aussi je te rejoins complètement sur ce que tu évoques dans ton paragraphe concernant les "passionnés"...<br /> Le "kitano donc c'est nul" n'a rien pour faire école à mon sens ; c'est efficace, mais complètement éculé, élémentaire, au point que ça ne peut être "une formule qui tue".<br /> <br /> à FREDASTAIR : Je n'ai pas tout compris de la réponse, parce que je viens de me lever certainement, mais aussi parce que je ne sais pas si vous vous adressez à moi ou à MYMP, aux deux...<br /> Ce n'est pas tant qu'il y ait nécessité d'instaurer un clivage, j'ai aussi longtemps lu "studio", moins "première", mais ceux-là n'entament pas de réflexion autour de leur sujet, ils se contentent effectivement de leur caractère "informatif", et je leur reproche simplement d'envisager le cinéma avec trop peu de sérieux. Je n'ai rien contre les postures frivoles, mais ça ne porte pas loin... Un point de vue aussi généraliste quand on est "spécialisé" instaure un décalage malvenu, c'est tout.<br /> Je ne m'intéresse donc plus qu'aux compte-rendus de Chronic'art, qui sont parmi les seuls à dépasser le stade de la gentille description. Leurs prises de positions sont parfois aberrantes, le sophisme y est de mise... Mais tant mieux, mille fois tant mieux, à quelques exceptions près, c'est bien l'une des seules presses ciné à ne pas tant s'enfermer dans un carcan ou des idées fixes...<br /> <br /> Heureusement que les critiques ciné ne font pas la carrière d'un film ; mais que les Ch'tis fassent 20 millions, Bachir un tout au plus, c'est au public de l'assumer. S'il s'agit de ses valeurs, après tout, libre à lui ! Mais si la presse se met à aller dans ce sens, à ne servir qu'à prévenir de la dernière pantalonnade bas de front sortie en salles, c'est regrettable. Je préfère assumer la lecture d'une presse sectaire et la vision d'un cinéma "mineur" d'un point de vue purement statistique... Si je découvre un film recommandé par la presse, j'ai plus de chance d'avoir été engagé sur cette voie par une critique modérée de "Le Monde" qu'un parti-pris pseudo enflammé de "Studio" ; le premier envisage le film pour ce qu'il est, discute son discours, le second accumule les phrases bateaux pour expliquer s'il y a matière à épicer ou pas les pop-corns. <br /> Parce que lorsque je vois le magnifique sujet à analyses qu'est "LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE" accompagné d'un simple "gauche toute", je me dis, comme Mymp, que certains peuvent remercier les dossiers de presse. Heureusement que je n'ai pas envisagé cette perspective on ne peut plus simpliste avant de voir un film aussi riche ; dans ce cas, effectivement, quel intérêt pour moi de lire cette critique ? Sinon d'aller jeter un coup-d'oeil sur le film pour en revenir en disant que j'ai vraiment kiffé la putain de métaphore sur le Viet-Nam...
F
C'est vrai que la vidéo est assez affligeante, mais on trouve peu ou prou la même sur le site des "Inrocks" (voir comment ils ont démonté le dernier film de Tavernier par exemple). Des magazines comme "Chronicart" ou "Les Cahiers du cinéma" sont les plus intéressants, on est d'accord (qualité et profondeur de l'analyse, sérieux du métier etc), mais les journalistes y sont souvent imbuvables de prétention satisfaite ; quand ils démontent un film qu'ils jugent mauvais (et qui ne l'est pas forcément, du moins pas à ce point-là), ils sont sans mesure ni pitié. "Ciné Live" ou "Première" vont peut-être moins loin dans leurs analyses (encore que "Première" ne se débrouille pas si mal, voyez le rédacteur G. Delorme par ex), mais ils ont le mérite d'une certaine modestie. <br /> <br /> Je vois pas l'intérêt de créer un clivage entre "bonne presse" supposée (Les Cahiers, Positif, etc) et "presse à chier" (Ciné Live et cie), puisque leurs visées et leur lectorat ne sont pas les mêmes, et que chacun vaut ce qu'il vaut dans SA catégorie (plutôt ludique, jeune et informative pour "Ciné Live", que j'ai lu pendant des années). Commencer à créer ce clivage, c'est commencer à être sectaire (exactement comme les journalistes que vous fustigez, non?) Evidemment, je ne dis pas toute critique se vaut, bien au contraire (j'en suis pas réduit à défendre les chroniques ciné de "Jeune et Jolie" non plus), mais il faut remettre les choses à leur place : si vous voulez plus lire Première ou Ciné Live parce que vous avez "dépassé" ce stade, libre à vous, mais ce n'est pas une raison pour en fustiger la prétendue nullité "abyssale".<br /> <br /> A Chonchon : ce ne sont pas (ce ne seront jamais) les critiques cinéma qui font et défont les carrières, c'est le public. Sinon "Astérix aux jeux Olympiques" aurait fait 3 entrées et "Valse avec Bashir" 20 millions.
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