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New PS - Sympathy for the Grotesque
3 juin 2010

THE INVENTION OF LYING

the_invention_15sur5 Dans un monde ''parallèle'' ou l'homme ne connaît rien de la notion du mensonge, chacun ne dit que vérité nue, sans jamais avoir recours au moindre artifice ou à de quelconques techniques rhétoriques pour tromper ou bien ménager son interlocuteur. La plèbe est inconvenante [blesser à l'occasion, est naturel, ce n'est ni le bon ni le mauvais, c'est le sens, l'unique], le monde en est accablant ; douillet, limpide et clos.

 

De cette normalité totalement surréaliste, Gervais mesure toute la matière prompte à déclencher l'hilarité comme à engager une réflexion métaphysique, amorcée in fine dès l'entame du film avec cette voix-off délibérément désuette, sorte de chauffeuse de salle vaguement grisante. Il incarne lui-même l'élément perturbateur bouleversant l'ordre atone et serein de cet univers tout carré et transparent ; Mark Bellisson, loser à la ville comme à la scène –celle professionnelle-, exposé à une urgence, se découvre une aptitude à trahir la vérité et ouvre ainsi les portes d'un concept inédit qui pourrait changer sa vie.

 

the_invention_3Gervais exploite son concept à fond sans jamais l'épuiser, démultipliant en permanence les alternatives et les pistes envisageables. Son pouvoir en mains, Mark la petite punaise se métamorphose ; investissant un territoire vierge et donc sans concurrent, il incarne le fake en se mettant en scène. Alors qu'aucune ambition ne peut exister, qu'on ne peut tromper son monde donc en aucun cas allez au-delà de de ce qui a été écrit pour soi [par une norme fondée sur un bon sens naturel, nourri de conclusions sans emphases, parti-pris ou quelconque subjectivité], lui s'offre la possibilité de détourner un auditoire crédule.

 

Jusque-là étranger de cet univers aseptisé, le mensonge devient alors la première arme existante pour ne pas céder au conformisme ; celle-ci n'est accessible que si seulement elle est imaginable, concevable. Or, l'inventivité n'existe pas non plus et avec elle l'illusion comme toute forme de spectacle n'existent pas [ou ce dernier est réduit à sa forme la plus rudimentaire : pour se divertir, les créatures du film écoutent des narrateurs raconter sur un ton monocorde d'authentiques histoires connues de tous].

 

Capable de créer, Mark déplace l'objet de la conversation de ses congénères et donc décale la vérité ; de cette manière, il en créé une nouvelle et impose bien sûr ''sa'' vérité autant qu'il relance celle du tout-venant. Il emploie cette aptitude à moduler la vérité [ou à la tromper] pour servir ses besoins immédiats, ses nécessités financières ou même ses émotions sincères. Dans ce cas l'hypocrisie dont il fait preuve n'est pas une déviance ''sociale'' ; elle ne fait que bannir les lois naturelles et automatiques et s'affirme en stigmate le plus noble et généreux de l'essence humaine.

 

THE_INVENTION2Aussi Mark inaugurera-t-il la religion. Parce qu'en outre, ce n'est pas qu'il pas besoin de ''croire'', mais cette notion s'en trouve absente, puisque chacun reçoit des perspectives uniformes et que tout n'est qu'évidence [le reste n'ayant dans ce cas pas à s'expliquer ? ; le film ne soulève pas cette question, ou plutôt il semblerait que les êtres du monde mis en place, habitués à la certitude de tout maîtriser, ne se pose jamais de question sur quoique ce soit qu'ils ne connaîtraient pas -normal, le monde n'a à leurs yeux aucun  mystère et tout y est résolu depuis son enfantement-]. Dans ce cas, il n'y a pas de monde intérieur, pas d'âme en quelque sorte : celle-ci est affichée dans sa globalité en permanence, chaque personnage exprime sa pensée, ''sans filtre'' pourrait-on dire.

 

Mentir, transgression ultime, donne matière à exister à Mark : en dictant des règles et dupant sa propre condition, il étoffe ce que la vie lui a offert. Sans le mensonge, petit ou grand, rien ne se grandit ou s'élève ; le monde ne mue jamais ; tout est sclérosé, votre façon de penser, celle d'interpréter le monde, et celui-ci en lui-même est en surplace permanent, dans une sorte de plénitude résignée. Il n'y a pas de vie sans second degré.

 

Gervais maîtrise avec un brio imparable les usages et attitudes qu'imposerait une telle donne [ou réalité décalée], conjuguant l'acuité d'un philosophe avec la verve flamboyante d'un adulescent sûr de lui. On aurait envie de dire de The Invention of Lying qu'il se situe quelque part entre les géniaux Idiocracy et Dans la peau de John Malkovich ; mais comme ceux-là, il ne ressemble à rien, tout en permettant à des vérités triviales mais repoussés, presque par automatismes, d'éclater à nouveau. Rick Gervais brise la glace, celle que ses personnages ignorent défénestrer en permanence, pour capter des subtilités réminiscentes.




 

THE_INVENTION_AFFThe Invention of Lying****  Acteurs**** Scénario**** Dialogues**** Originalité**** Ambition**** Audace**** Esthétique*** Emotion****

 

Notoriété>20.000 sur IMDB (bien) ; 100 sur allociné (rien)

Votes public>6.5 sur IMDB ; USA : 5.4 (metacritic) ; France : 5.3 (allociné)

Critiques presse>USA : 5.8 (metacritic) ; UK : 5.3 (screenrush) ; France : 5.0 (allociné)

Note globale selon Cinemagora → 5.9

 

En salles au moment de la publication

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Commentaires
E
Juste une chose: ai je le droit de ne pas aimer cette comédie ? Il me semble en plus avoir justifié ma réponse. Je ne contredis pas le fait que le thème soit intéressant, mais cela ne fait pas pour autant un bon filmm, surtout quand il est mal exploité et traité avec une certaine flemmardise. Ce qui est le cas ici.<br /> Donc, je te présente des arguments. Après, cela te convainc ou pas, c'est une autre histoire.
P
C'est d'abord une comédie, on peut ne pas adhérer à son humour. On peut aussi rester de marbre devant l'ensemble du programme. Mais c'est surtout un film conceptuel ; comment se fait-il qu'il tourne à vide alors qu'il s'ouvre vers de multiples voies ; on nous parle ici de religion, de moeurs, de vie sociale : il y a un propos quasiment ''politique'', philosophique indéniablement. Ca peut donc être abscon, fumeux ou mal agencé ; mais ce n'est pas du néant : on peut s'emmerder parce qu'on accroche pas, mais c'est un film vivant !<br /> Je redoute ta réponse et avant toute chose je te promet que je ne tiens pas à te faire changer d'avis ou à réduire en miettes le tien ; je te reproche simplement de ne pas attaquer le film en allant à l'essentiel, à bras-le-corps comme lui se comporte avec son thème.
E
studio l'avait pourtant chroniqué il y a quelques mois: le film faisait partie des chroniques secondaires par ailleurs, film à 2 étoiles par ailleurs, jugé comme une comédie très dispensable. Pour une fois, je suis d'accord avec eux.
C
Et bien moi je n'avais jamais entendu parler de ce film... C'est dingue, je lis pourtant mon Studio tous les mois de fond en comble...
E
bah c'est ce que je disais dans mon premier comm: l'idée de départ est plutôt séduisante mais le film tourne rapidement dans le vide.
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