KALIFORNIA [8+]
4sur5 Road-movie sensuel et enragé aux teintes saturées, Kalifornia préfigure Tueurs nés. Hargneux premier film à contre-courant, il met la main avant le chef-d'oeuvre décrié du cinéaste-polémiste sur l'entreprise de désacralisation du psychopathe ordinaire. Juliette Lewis est d'ailleurs à la même position dans les deux films, celle de l'amante et suiveuse du criminel – insipide ingénue ici, second couteau sadique l'année d'après.
Le
présupposé objet de fantasmes, incarné ici par un Brad Pitt grimé
en white trash et d'autant plus abject et repoussant qu'animal
complet derrière son vernis crasseux, ne dispose que d'une pitoyable
image, réduit à l'état de beauf à l'esprit étroit, à la
conscience absente et aux techniques sans grâce. Une
entreprise de non-esthétisation de la violence presque voisine
[dans sa démarche] de celle d'Henry, portrait of a serial killer,
objet malade des plus glaçants et éprouvants qui soit.
C'est sans l'intention d'accomplir une démarche racoleuse que le jeune journaliste Brian Kessler, sous les traits de David Duchovny, s'enquiert de l'écriture d'un essai sur les meurtriers psychotiques. Idéaliste dans l'âme, sa sincère passion pour ces personnages l'amènerait facilement à justifier leurs crimes en recourant à une démonstration fondée autour de la source de leur état. S'accompagnant de sa fiancée, semi-convaincue par leur escapade, et d'un couple qu'il laisse au hasard l'opportunité de choisir, l'exorciste du mal part faire la tournée des résidences abandonnées d'une poignée de tueurs jouissant d'une notoriété plus ou moins certaine.
Le road-movie démarre alors sur l'idée amusante du choc socio-culturel, dont Dominic Sena n'entend pas louer les vertus. Malgré le contraste radical entre les personnalités des quatre compagnons, le réalisateur refuse toute facilité, évitant notamment et de très loin la caricature du jeune génie ''incompris'' en la personne de son narrateur à l'humanisme candide [Duchovny], mais surtout confrontant d'authentiques personnages, déroutants, triviaux et criants de vérité, sans chercher le recours au stéréotype pour illustrer un propos vif, limpide, à la fois ouvert et sans détours.
Derrière son militantisme placide apparent, son côté série B sophiste et trash, Kalifornia révèle des enjeux virulents et une hargne à prôner l'incrédulité, comme en réponse à la tentation d'une pensée facile, vierge du moindre doute, soumise à des idées reçues grisantes et rassurantes. Devant la certitude naive et obstinée d'une empathie réciproque et universelle, Kalifornia revendique sa rupture.
Les adeptes de road-movie meurtriers seront aux anges : Kalifornia, bien que moins ''cinéphile'', est l'égal de True romance ou de U-Turn. Mais la grandiloquence ici est bannie au profit de l'affirmation d'un pessimisme profond quand à la nature humaine et de l'idée même de cette nature, puisque l'hypothèse de celle-ci sous-tendrait une harmonie dans les âmes. Or Kalifornia renonce à croire à la notion d'une humanité cohérente ou chacun jouirait d'un libre-arbitre et d'une libre-conscience déplaçant l'essence de l'être au-delà de ses instincts les plus vils. Ivre d'une folie adolescente pour sa thèse, le parti-pris est aussi délétère que courageux.
Kalifornia**** Acteurs**** Scénario*** Dialogues*** Originalité***-* Ambition**** Audace***** Esthétique**** Emotion*** Musique***
Notoriété>20.600 votes sur IMDB ; 600 notes sur allociné
Notes du public>6.6 sur IMDB ; USA : 6.7 (metacritic) ; France : 6.8 (allociné)
Critiques presse>USA : 4.8 (metacritic)
Note globale selon cinemagora --> 6.7