LA FLEUR DU MAL-CHABROL [6-]
3sur5 S'il n'a pas perdu de son acuité, Claude Chabrol ne s'essaie pas non plus à bousculer ses habitudes, soignant ses outils pour mieux torpiller son éternelle victime, la petite bourgeoisie. Cependant son cinéma tend parfois à s'engourdir autant que l'est la famille tourmentée dont il brosse un portrait caustique, s'amusant à en esquinter les fards. Sans jamais basculer vers la lourdeur, le décryptage des contradictions du microcosme trituré à l'envie se laisser porter par une démarche très vieille école, s'orientant à chaque fois vers des issues somme toute peu fulgurantes.
Toutefois, la confiante et indolente étude psychologique esquive toujours l'anémie en embrassant son intrigue avec espièglerie, jouant de son académisme certain comme d'une surface lisse à miner, un peu par traîtrise de ressorts qu'elle plie à assumer l'envers de leur sereine mécanique. Tandis que cette famille se laisse écraser sous le poids des exactions des anciennes générations, sans chercher à justifier une condition qu'elle observe si peu, de nouvelles failles profitent de ce détachement pour s'incruster à la citadelle satinée, assurant à celle-ci un avenir d'autant plus borné dans sa fuite en avant car gangrené par des stigmates internes toujours plus pesantes.
En travaillant sur un terrain délimité, Chabrol lui consent tout de même une certaine complaisance, titillant les limites d'une pudeur qu'il ne semble jamais songer à franchir. Comme s'il était nécessaire d'accorder à ses cobayes une parcelle d'intimité sélective, jamais ce vieux routier n'osera quitter les chemins d'une décence cantonnant parfois son propos à l'exercice de style stérile, n'usant de l'inceste ou du parricide que comme d'une métaphore de sa sous-intrigue mettant en jeu les retombées de gestes à conséquence opérés à la fin de la seconde guerre mondiale.
Dommage qu'aucune influence extérieure ne vienne dynamiter cette structure trop doucement ébranlée [en dépis de la montée en puissance d'une tante Line (Suzanne Flon) de plus en plus bavarde], Chabrol assumant en conclusion l'absolue insignifiance du retour à la surface de vieux démons bien gardés et appelés à le rester. Jamais les monstres ne sont vraiment affrontés : culpabilité, hypocrisie, faux-semblant, Chabrol les caresse sans retenue, mais ne les invective que par de petits pics aussi acerbes qu'inconséquents, mordants de prime abord mais aussitôt gelés, comme s'ils étaient l'empreinte d'une vérité définitive, que personne ne songerait à sonder sans ménagement.
La fleur du Mal** Acteurs*** Scénario** Dialogues*** Originalité* Ambition*** Audace** Esthétique*-** Emotion**
Notoriété>1.500 votes sur IMDB ; 400 notes sur allociné
Votes public>6.3 sur IMDB (légère tendance masculine) ; France : 5.8 (allociné)
Critiques presse>USA : 6.7 (metacritic) ; France : 7.5 (allociné)