AGORA [7-]
3sur5 Entré dans la cour hollywoodienne avec Les Autres, Amenabar, le génie espagnol, donne toujours le sentiment d'être le chouchou indépendant dont chaque nouvelle sortie semble être l'occasion de découvrir son cinéma sous un tout nouvel angle, rattrapé par son style et son originalité même pour des sujets usés ou peu sensationnels.
Ce n'est pas le cas cette fois, Agora filant un coup de vieux à son auteur. Bien que sa reconnaissance soit ainsi accomplie, l'heure n'est pas non plus à la consécration pour lui, son nouveau film étant stigmatisé pour sa forme trop retenue et dépeint comme une démonstration étouffant le véritable récit. Pourtant, Amenabar est loin ici de se reposer sur ses lauriers ; l'ère ou, s'il suit un schéma conventionnel auquel beaucoup ont fait croire, le personnage s'affadira n'est pas arrivé.
Métaphysique mais très limpide, jonché d'évocations théoriques et références [aux grands pas de ''la connaissance'' comme à l'actualité], Agora est une plongée au Ive siècle avant Jésus-Christ aux côtés d'Hypathie, femme de science dont il ne reste aucun écrit mais seulement le souvenir par procuration de brillants exposés. La primauté sera accordée à la (ré-)instauration de la Raison sur la rumeur [les mouvements de foule et l'intolérance qu'elle génère], à la vérité et donc la recherche rationnelle plutôt qu'aux gadgets symboliques.
Amenabar ne s'arrête pas à réciter les bases de la philosophie, son discours surprenant agréablement lorsqu'il s'intéresse à afficher les premiers chrétiens comme des paiens dégénérés, donnant chaire à ce qui n'aurait pu être qu'un ouvrage théorique plat ; celui-ci est foutraque, très consistant et jamais vain. Le pont avec notre époque est certes évident mais jamais lourd, d'ailleurs le propos se veut plutôt atemporel, ne serait-ce que par définition.
Même si on relève quelques emphases -jamais vulgaires-, le film repose sur la distanciation, le recul avec l'affect. Ce choix narratif, qu'on pourra interpréter comme un non-choix, n'a rien de lâche, semblant non seulement tout à fait logique, sinon impérieux. Le terrain de cette réflexion -pas du tout élitiste ou lourdement intellectualisante, au contraire- prend la forme d'un péplum classique dont le pharaonique ensemble manque de style dans son décorum à la formelle démesure [mais comment reprocher l'absence d'inventivité à tous les plans à un film historique, dont la forme est toujours plutôt scellée], mais certainement pas d'élégance ni de matière.
On imagine le genre ampoulé, fermé, incapable d'être autre qu'une fin en soi, kitsch et codifiée ; pourtant l'emprunte du réalisateur s'y intègre avec aisance, par le biais du discours et sous une nouvelle facette, quoique l'inoubliable Ouvre les Yeux révélait déjà à sa mesure que ses ambitions philosophiques pouvaient assurer à elle seule le divertissement, lui donner ampleur et en être le sel.
Agora*** Acteurs*** Scénario*** Dialogues*** Originalité*** Ambition***-* Audace*** Esthétique**-* Emotion**-* Musique**
Notoriété>2.700 votes sur IMDB ; 850 notes sur allociné (France)
Votes du public>7.4/10 sur IMDB (forte tendance féminine et non-US) ; 6.8/10 sur Allociné
Critiques presse>France : 4.8/10 (allociné) ; UK : 5.3/10 (screenrush)
« Agora [...] propose une réflexion substantielle sur la liberté de pensée et emballe le tout dans une histoire pleine de bruit, de discours et de fureur » Première
"Passionnant, flamboyant, maladroit, Agora est un péplum qui a le bon goût de ne pas tomber dans la surenchère " VSD
En salles au moment de la publication