LES CONTES DE TERREMER [6+]
3sur5 Avec Les Contes de Terremer, la maison Ghibli s'élargit, affirme sa marque de fabrique sans pour autant se grandir. Inspiré d'une saga littéraire admirée par le maître Hayao Myazaki, le film marque l'entrée dans le milieu du fils de ce dernier, Goro, lequel récupère son projet sans lendemain, mais dont on lisait déjà l'influence dans le premier long, Nausicaa.
A la fois décevant et infiniment plaisant, Terremer est une oeuvre classique mais pas moins envoûtante. Elegant, rêveur, plus sombre que de coutume, le film use des ingrédients des studios, sans en tirer la force des maîtres-étalons : personnages ambigus, cohésion parfaite de l'intimisme et du spectacle haut en couleur, jeune héros contradictoire plongé dans un univers fantastique...
Mais le film succombe à quelques écueils que Myazaki père a toujours su tourner à son profit. Mièvrerie et poses kitschs infantilise un récit d'heroic fantasy somme toute balisé, mais pourtant maîtrisé et souvent passionnant. Défaut typique du cinéma d'animation, l'exposition de Terremer est excessivement limpide, trop explicative, même si elle sait éviter à temps la redondance.
Si la quête initiatique et les démons du prince apportent un souffle épique à ce fort joli conte de fées orienté dans une veine écolo, certains accès recherchant pompeusement à illustrer l'harmonie des hommes entre les hommes ou avec leur mère nature croulent sous une espèce de bonhommie lyrique. Ainsi, l'interminable et insipide chant de Therru, mystérieuse enfant entretenant une relation amour-haine avec le pèlerin voyageur Arren, ressemble progressivement à un gag par sa lourdeur et sa ''naiveté'' écrasante.
Réjouissant sur le plan graphique -bien que peu original- malgré quelques lourdeurs, plus modérément sur le fond [les thèmes audacieux de l'addiction (l'asia) et du parricide sont abordés de façon finalement roublarde], Les Contes de Terremer est brillant et convenu à la fois. Trop donjondragonesque, trop mieilleux, trop anodin et pourtant si prenant, sympathique, charmant et enivrant à défaut d'être définitivement planant.
S'il souffrira des comparaisons, le coup-d'essai de ce réalisateur empli de promesses mais condamné à se faire un prénom ou demeurer dans l'ombre de son père ne fait pas honte à ce dernier, qui a simplement indiqué qu'il y reconnaissait un travail honnête. N'amplifiant ni ne se démarquant de son style, ce bel ersatz a été lynché au Japon à sa sortie, très abusivement sacré pire métrage de l'année. Mais en dépit de son manque de surprise, Gedo Seki demeure un bel exercice de style capable aussi bien de satisfaire l'amateur que d'épater le néophyte, transportant avec aisance son spectateur dans un monde moins fantasmagorique que ses références mais dégageant tout de même, à sa mesure, ce jouissif sentiment de rêve éveillé. Une pierre fragile s'ajoute à un édifice titanesque, mais même quand la folie créatrice s'étreint quelque peu, notre bonheur reste entier.
Gedo Seki** Animation*** Scénario*** Dialogues** Originalité** Ambition** Audace** Visuel/Esthétique*** Emotion*** Musique**
Notoriété>1.100 notes sur AlloCiné
Votes du public>2.5/4 sur AlloCiné
Critiques presse>2.4/4 sur AlloCiné (France) ; massacré au Japon