VINYAN [10-/10]
5sur5 Vinyan est une expérience rare et un film unique, un inclassable de service, une sorte de cadeau du ciel vous l'aurez compris, de Fabrice du Weilz pour être plus précis, qui après l'audacieux Calvaire transforme l'essai et affirme définitivement un style et une vision du cinéma en totale rupture avec toutes les formes et modèles connus. Adoptant un langage et une mise en images libre, tortueuse, fascinante et déroutante, inspirant aussi bien un état de mal à l'aise comme une fascination sans bornes, le jeune auteur français propose ici une expérience s'apparentant à une espèce de somnambulisme, invitant à un état second presque transitoire.
Film casse-gueule s'il en est, Vinyan se construit autour d'une authentique catastrophe à la résonance inédite, le tsunami de fin 2004. Un couple, Jeanne et Paul, campés par Emmanuelle Béart et Rufus Sewell aux incarnations pénétrantes, y a perdu son enfant et est demeuré depuis en Thailande. Jeanne refuse de se résoudre à la mort de son fils, aussi l'espoir la pousse-t-elle à engager son couple dans la recherche de ce dernier jusqu'à l'absurde, soit jusqu'à se perdre dans la forêt tropicale...
Du Weilz plonge ses parent orphelins dans une énergie/asthénie du désespoir. S'ils semblent se vider de leur substance, c'est qu'ils ne sont plus que deux âmes errantes dans une quête les conduisant sur des sentiers étranges, nichés entre la vie et la mort ; cet intermédiaire surnaturel invoque la mort non pas comme ultime recours, comme un retranchement, mais comme une continuité salvatrice et cohérente. Cette mort-là n'en est pas une au sens ou on l'entend. Les « âmes errantes » (c'est la signification du terme « vinyan ») se rayeront de la civilisation mais ne s'évaporeront assurément de la ''surface'' de la Terre, sinon pour rejoindre l'infini, se ''trouvant'' enfin et se retrouvant dans cet état de suspension.
Contemplation, détresse et jusqu'au-boutisme sont maîtres-mots des univers proposés par Du Weilz, imposant en deux films des tendances et thèmes fétiches appliqués sans le souci de perdre le spectateur en route, semblant nous inviter à un passage en enfer dont résulte une sorte de plénitude et de libération, elle-même irréversible. Les points de non-retour et le manque guettent ses personnages.
A l'instar de Lucky McKee se permettant en un simple May de s'imposer comme une référence définitive, Du Weilz est un cinéaste, un raconteur d'histoire, un talent et un esprit d'un genre nouveau, profondément iconoclaste, qui sait à la fois proposer du jamais-vu tout en touchant en nous une corde sensible. Si l'opinion ou les spécialistes l'ignore ou le sous-estime encore, nul doute qu'il y aura à s'en mordre les doigts. Et qu'importe si la frilosité du public, la vision académique et conformiste de la critique ainsi que les préjugés et habitudes des deux l'emporte, qu'importe s'ils écrasent ces humbles génies, jamais leur oeuvre ne sombrera dans les poubelles du cinéma, jamais dans les 78 prochains milliards de siècles elle n'aura l'occasion de leur faire honte... L'audace, la singularité et l'imagination feront la différence. Du Weilz, à ce stade, est ce genre de personnage qui pourrait très bien se ''planter'' qu'on y verrait que du feu, parce que lui est un affranchi, l'ingrédient essentiel pour combler les esprits avides d'un nouveau cinéma ; formalisme, thématiques pertinentes-et-transparentes, rebondissements millimétrés, règle des trois unités et profondeurs de champ ne font pas tout, Vinyan, si. On espère avoir l'occasion de poursuivre là-dessus...
Vinyan = 5sur5 Acteurs>4/5. Scénario>4/5. Dialogues>3/5. Originalité>5/5. Ambition/Intelligence du propos>4/5. Audace/transgression>5/5. Visuel/Esthétique>4/5. Emotion>4/5.
Notoriété>1.644 votes sur IMDB ; 286
notes sur AlloCiné
Votes du public>5.6/10 sur IMDB ; 1.8/4 sur AlloCiné [25% de ''0'' et 16% de ''4'', dans un ordre décroissant ; comme pour un navet de type ''Astérix aux JO/Coco/etc.'']
Critiques presse>1.6/4 selon AlloCiné [une presse ouverte et prête à dépasser ses acquis : celle qui attribue toutes ses étoiles dès que Chabrol dégaine, qu'il ait la gueule de bois ou non...]
« Vinyan s'impose vite comme un poème sur la régression de l'homme, l'instinct et les émotions primitives prenant irrémédiablement le pas sur le vécu et la raison » Mad Movies