CREEPSHOW [9/10]
4sur5 Référence du film à sketches horrifique, genre qu'il remis sur les rails en son époque pour offrir aux amateurs de joyeux divertissements [dont la pépite Darkside] souvent contestés et il est vrai certainement moins haut-en-couleur malgré l'ambition manifeste du projet [Deux yeux maléfiques], Creepshow est un film déjanté et un peu fou marquant la rencontre de deux grands esprits dans le domaine, tous deux faisant également figure de référence : George Romero à la réalisation, consacré définitivement commandant en chef du gore italien avec son Zombie et Stephen King au scénario, qu'on ne présente plus et dont le moindre semblant, même ostensiblement confus, de signature sait animer la curiosité d'un vaste public.
Les deux hommes sont agités par une passion commune portant sur les E.C. Comics, BD mêlant terreur pure et violence graphique outrancière qui firent le bonheur d'adolescents des 50's. Le travail de ces deux passionnés aboutira à un résultat détonant, percutant et cartoonesque, sorte de plaisir juvénile et hystérique que tous les Fais-moi peur ! ne permettront pas aux enfants de connaître.
Ouvertement candide autant que dément, Creepshow propose cinq segments au ton, à l'ambiance et aux thèmes variables, reliés par une histoire assez simple, cependant Romero et King savent faire de ce passage obligé autre chose qu'un banal avatar scénaristique fonctionnel. Le père d'un enfant [très typé : il trouve rassurant ces contes et possède un poster de Bela Lugosi dans sa chambre] adepte de ces comics jette ceux-ci à la poubelle ; le vent fait tourner les pages et c'est ainsi que les cinq histoires s'en échappent...
S'ils savent insuffler une énergie à cette formalité, les deux maîtres du genre ne s'y étale pas et rentrent vite dans le coeur de leur sujet. Et quels sujets s'offrent à eux ! Nous retrouvons là, en suivant la chronologie, un zombie affamé semant le chaos dans une réunion de famille, un bouseux décérébré [incarné par King lui-même !] métamorphosé par une météorité, un cocu vengeur, une boîte au contenu inquiétant et un savant fou aux prises avec des insectes.
Que d'histoires improbables dont King sait tirer une richesse insoupçonnée et mises en scène avec fougue et intelligence par un Romero brillant dans sa démonstration et son goût revendiqué de l'excès et de la démesure, même -sinon surtout- dans cette oeuvre plus grand-public que la plupart de sa filmographie, nettement moins axée sur l'humour et davantage vers le genre rugueux du film de zombie.
Pour écarter tous doutes et rayer tout amalgame, il est nécessaire d'affirmer que Creepshow n'est pas un film particulièrement effrayant et qu'il est dépourvu de l'habituelle critique sociale chère à Romero, qui le confinera finalement à une espèce de routine. Les enjeux sont purement superficiels et ludiques. Pour autant, le film se révèle à l'occasion réellement inquiétant, et bien que loin de toute volonté ou prétention de vous empêcher de dormir sur vos deux oreilles, il n'en est pas moins puissant, jouissif et même impressionnant dans son délire et ses débordements.
Aussi furieux soit-il, le film fait preuve d'une cohérence et d'une force exemplaire dans sa narration. Son excentricité se retrouve consolidée par des personnages fulgurants frisant parfois la perfection, dont les fantasmes et les projections sont un moteur ; ce sont des créations potaches, délurées, toutes perchées d'une façon ou d'une autre, sans limites et se plaisant à pulvériser celles que leur caricature leur incombe.
Captivant de bout en bout, kitsch à souhait, sorte de cauchemar grotesque ou rêve bouffons aux confins de l'Absurde, Creepshow distille une atmosphère bizarre, usant habilement et consciencieusement d'effets psyché extravagants et invoquant une bande-son à son image : étrange, grand-guignolesque, délicieusement artificielle, aussi branque que fascinante. Le chef-d'oeuvre de Romero n'a rien perdu de sa fraîcheur, son génie et son imagination lui prêtant la forme d'une miracle aujourd'hui encore.
La suite de Creepshow ne bénéficiera pas d'une telle ampleur. Plus infantine [bien que candide dans sa forme, Creepshow est un film adulte ; certains thèmes abordés sont durs et formidablement tournés en dérision], elle demeure cependant un divertissement de haute volée et très plaisant. Une compagnie américaine indépendante a même sorti un Creepshow 3 dans l'anonymat et pour un budget minuscule en 2006.. En attendant un remake, plus flou et improbable encore que celui d'Hellraiser.
Creepshow = 4sur5 Acteurs>4/5. Scénario>5/5. Dialogues>4/5. Originalité>4-5/5. Ambition/Intelligence du propos>4/5. Audace>4/5. Visuel/Esthétique>4-5/5. Emotion>4-5/5.
Notoriété>11.490 votes sur IMDB ; 324 notes sur AlloCiné
Votes du public>6.5/10 sur IMDB ; 2.8/4 sur AlloCiné